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Adonis

Dans un cabinet d’amateur orienté vers les sciences naturelles, les papillons, dont l’existence est pour la plupart de quelques jours ou quelques semaines, sont une charmante vanité, venant rappeler la brièveté de notre vie, mais en couleur…

vanitas vanitatum dixit Ecclesiastes vanitas, vanitatum omnia vanitas.
Vanité des vanités ! dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité.

A Rome, c’était la formule Memento mori (« souviens-toi que tu mourras ») qui rappelait aux hommes la fragilité et la brièveté de la vie.

Sur la fresque pompéienne ci-contre, du 1er siècle avant J.C., un crane humain repose sur les ailes ouvertes d’un papillon. Entre la mort et la roue de la fortune, le papillon symbolise l’âme de la vie qui ne tient qu’à un fil et qui s’envolera lorsque ce fil qui surmonte le crane cédera.

Au XVIIe siècle, le papillon est aussi souvent présent dans les peintures de vanités, tout proche d’un crane.

En grec ancien, le mot  psukhê signifie à la fois « âme » et « papillon ». Après les terribles épreuves qu’a fait subir à Psychée la déesse Aphrodite, jalouse de sa beauté, Zeus attribue à Psychée des ailes de papillon lorsqu’il l’unit pour l’éternité à Eros (l’amour) devant les dieux de l’Olympe.

Ainsi, la peinture classique représente souvent Psychée avec ses ailes de papillon.

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Au Japon, comme dans la mythologie grecque, le papillon est un symbole de la femme, par sa grâce et sa légèreté. Mais il représente aussi l’inconstance…

En revanche, contrairement à la symbolique occidentale qui fait du papillon un symbole de la brièveté de la vie, le papillon est au Japon symbole d’immortalité. Selon une croyance populaire, les esprits des morts prennent la forme d’un papillon lors de leur voyage vers l’autre monde et la vie éternelle.

Cette symbolique de l’éternité attribuée au papillon vient de la Chine et a été reprise dans les armoiries de certains samouraï, comme motif protecteur, gage d’immortalité. On retrouve ainsi un machaon dans les armoiries du clan samouraï des Taïra, l’un des tout premiers et plus puissants clans du Japon.

Toujours chez les samouraï, le Chô-musubi désigne une façon de nouer en forme de papillon le sageo (下げ緒), petite corde unie ou tressée, en coton ou en soie, destinée à maintenir le saya (fourreau) sur le obi (ceinture) lorsque le sabre est porté à la ceinture.

Le papillon est aussi un motif de noeud (musubi) de ceinture (obi) de kimono, appelé Chōchō musubi (蝶蝶, ちょうちょう, « butterfly ».

Enfin, mentionnons la symbolique présente dans tous les pays asiatiques d’un couple de papillons volants, qui représente le bonheur conjugal, et qui provient d’un monument de la littérature chinoise.

Analogue à notre Roméo et Juliette, les chinois ont en effet une histoire d’amants désespérés, préférant mourir que d’être séparés.

C’est La Romance de Liang Shanbo et Zhu Yingtai, où les deux amants séparés par la mort se retrouvent dans l’au-delà réincarnés en deux papillons s’envolant pour l’éternité.

Cette oeuvre a inspiré en 1959 un célèbre concerto pour violon intitulé Les amants papillons, que je vous propose de découvrir, dans une version de 1998, avec au violon Yu Lina, qui avait déjà joué lors de la première de 1959. Professeur de violon à Shangaï, elle a enregistré en 1970 l’album Concerto pour violon des amants papillons qui a fait connaître et populariser le violon en Chine.

Comme l’explique en détail la notice de Wikipédia sur ce concerto, l’alliance de mélodies traditionnelles chinoises, dans un système tonal éloigné de celui de la musique classique, et d’instruments occidentaux, se traduit par des sonorités parfois dissonantes à nos oreilles. Mais cette oeuvre étonnante vaut vraiment d’être écoutée.

Concerto pour violon Les amants papillons, 1998

Extraits de l’article de Wikipedia
sur le concerto pour violon Les Amants papillons

C’est l’une des œuvres les plus célèbres de la musique chinoise, et sans doute la plus connue hors de Chine. Composée en 1959 par Chen Gang et He Zhanhao pour l’orchestre occidental, ses solos de violon utilisent cependant les techniques chinoises traditionnelles.

Les compositeurs chinois traditionnels utilisent souvent un système tonal éloigné de celui de la musique classique ; il en résulte des sonorités souvent perçues comme dissonantes par les occidentaux. Les Amants papillons est écrit dans une gamme pentatonique, et utilise de nombreuses mélodies chinoises, ainsi que des accords et des motifs chinois caractéristiques.

Argument et thèmes musicaux

Le concerto ne comporte qu’un mouvement, mais est divisé en plusieurs sections, chacune évoquant un épisode de la romance de Liang Shanbo et Zhu Yingtai (souvent appelés les amants papillons, (en) Butterfly lovers, parce que la légende se conclut par leur métamorphose en papillons à la suite de leur mort tragique). Certaines mélodies viennent de l’opéra chinois portant le même nom, ou de chansons chinoises populaires traditionnelles. La partie de violon solo symbolise Zhu Yingtai, l’héroïne de l’histoire, et celle du violoncelle, lui répondant depuis l’orchestre, symbolise Liang Shanbo, son amant.

Le début du concerto est joué par la flûte, à laquelle répond une simple mélodie au violon, tirée d’une chanson folklorique des bords du fleuve Jaune, et évoquant l’histoire de l’enfance de Zhu Yingtai ; cette mélodie est accompagnée par la harpe et d’autres instruments de l’orchestre. La rencontre des deux amants après leurs études communes, qui marque le début de leur amour, est représentée par un duo mélancolique entre le violon et le violoncelle, le plus connu et le plus intense de toute l’œuvre.

Ce duo amoureux fait place à la colère de Liang apprenant qu’en son absence, Zhu s’est fiancé à un autre. Dans cette section, le violon et le violoncelle contrastent avec le reste de l’orchestre, celui-ci jouant de violents accords entre les passages où les deux instruments solos entrelacent de calmes mélodies. La reprise du duo amoureux accompagne la fin tragique de l’histoire, Liang tombant malade et mourant ; cette section se termine avec le suicide de Zhu Yingtai, représenté par une longue tenue aigüe du violon. La dernière section, correspondant à l’ouverture de la tombe de Liang et à la métamorphose des amants en papillons, est confiée à l’orchestre seul.

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Après ce long voyage symbolique, revenons à nos papillons… Le cœur de la petite collection que j’ai réunie provient d’une charmante dame très âgée qui, me voyant émerveillé en l’écoutant me raconter ses aventures passées de chasseuse de papillons dans la forêt amazonienne et au Congo belge, m’a transmis quelques semaines à peine avant de partir, une grande boîte qu’elle avait conservée, remplie de tous ses souvenirs et reliques de l’époque.

S’il est présent dans les vanités pour rappeler la brièveté de l’existence, le papillon est aussi le symbole de la résurrection. Comme s’ils sortaient à nouveau de leurs chrysalides, je promis donc à cette vieille dame d’offrir une nouvelle vie à ses souvenirs enfermés, qui seraient sinon bientôt jetés.

Et j’ai trouvé parmi d’autres, dans sa boîte aux souvenirs, un butin de rêve : une série de morpho, les ailes repliées, cachant leur bleu métallique et ne montrant au revers que ces grands yeux d’oiseaux dont la nature les ont dotés pour échapper à leurs prédateurs.

Après les avoir enfermés toute une nuit dans une boîte sur du coton imbibé d’eau, je leur écartai les ailes le lendemain, et les alignai dans leur nouvelle demeure.

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Il existe dans la nature plus de 100.000 espèces de papillons, et c’est là encore ce qui le rend indispensable dans un cabinet d’amateur, comme vanité cette fois du collectionneur : il est impossible d’en faire une collection complète.

Les seules collections complètes de papillons se trouvent en fait dans les livres d’image éducatives des tablettes de chocolat d’autrefois… Car la chasse aux papillons nous ramène toujours en enfance, quand on recherchait en vain d’aussi beaux spécimens que ceux représentés dans nos albums d’images.

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Pages d’un album d’images des biscottes LUC des années 50

Et puisque nous courons aujourd’hui après les papillons, n’oublions pas le poète disparu qui nous a parlé d’une autre chasse aux papillons où Cupidon s’en mêle…

Georges Brassens, La chasse aux papillons, 1965

Mais pour en revenir aux collections de papillons, les quelques spécimens de Deyrolle que j’ai réunis par ailleurs ne suffisant assurément pas à satisfaire les attentes des visiteurs de mon modeste cabinet, j’ai profité du confinement pour aller butiner dans la salle des manuscrits de la British Library.

Et j’en ai ramené un trésor qui, à défaut de combler les entomologistes les plus exigeants, devrait émerveiller petits et grands enfants par sa beauté : un recueil de papillons peints par une jeune femme anglaise en 1800…

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