Volume I
Volume II
Volume III
I.- De l'origine du Camellia
Plusieurs naturalistes du siècle dernier ont parlé du Camellia, Le Japon, ont-ils dit tous, est le lieu de son origine. Le père Camelli, jésuite, en a introduit le type en Europe en 1739. Sa fleur, très grande et très belle, d’un rouge vif, est simple ; son fruit est une capsule qui contient plusieurs noyaux. Les habitants du. Japon et de la Chine le cultivent dans leurs maisons de plaisance, à cause de la beauté de ses fleurs, et de son feuillage, toujours vert. Enfin, le Camellia est la plante la plus recherchée de son pays natal.
Toutes ces assertions étaient justes à l’époque où ces auteurs écrivaient ; elles étaient alors d’accord avec celles des voyageurs qui avaient jusque là visité les endroits les plus fréquentés du Japon; mais il en est une que les investigations de la science et les progrès de l’art viennent aujourd’hui contester : c’est le droit de paternité exclusive qu’on accorde en premier lieu à l’arbre introduit en Europe par le père Camelli. Le savant botaniste, docteur Siebold, dans son dernier voyage en Chine en 1830, osa pénétrer dans les forêts les plus solitaires du Japon, et là, il découvrit un arbre majestueux qui dominait, en géant, tous ceux qui l’entouraient : c’était le Camellia sauvage, Camellia sylvatica. Soumis à l’examen du botaniste voyageur, cet arbre lui offrit les particularités suivantes.
Le Camellia sauvage est un arbre de haute futaie, d’un port magnifique, d’environ 30 à 35 mètres d’élévation, ayant un tronc proportionné à sa hauteur, garni de fortes et larges branches latérales, et s’élevant majestueusement dans les airs. Ses feuilles sont plus étroites, plus allongées et plus compactes, que celles des espèces que nous connaissons ; sa fleur, qui parait au commencement d’octobre, est petite, simple, et renferme un système complet d’organes sexuels ; son fruit, très mince, est contenu dans une capsule rétrécie, glabre, ronde, couleur de rouille. Cet arbre, d’après l’opinion de M. Siebold, serait le véritable type normal de toutes les variétés de Camellia, et il aurait d’abord produit celui à fleurs simples, grandes et belles, dont parlent Thouin, Miller et Dauphinot. Ce dernier Camellia, après avoir donné naissance à d’autres variétés plus ou moins intéressantes, serait resté parmi les Japonais, et aurait été regardé par eux comme le type des Camellias du pays. Ce serait donc, non le type sauvage des forêts, mais le type cultivé par les Japonais, qu’aurait introduit en Europe le père Camelli.
Ces notions intéressantes et curieuses ont beaucoup d’importance pour nous, parce qu’elles nous conduisent à expliquer les progrès du Camellia par la culture ; mais elles nous écartent un peu trop de notre sujet, qui est la description botanique du Camellia, que nous verrons dans l’article suivant.
Camellia Derbyana
Arbrisseau très vigoureux et rustique; tige ordinairement droite et raboteuse; rameaux rougeâtres, les uns droits, les autres courbés ; feuilles de plus de six centimètres de large sur neuf de long, ou ovales arrondies ou ovales allongées, bien acuminées, épaisses, compactes, fermes, dentées régulièrement, rapprochées, presque toujours réfléchies; sur lice supérieure plane, lisse, et d’un vert obscur : bouton fort gros, d’abord ovale-allongé, ensuite ovale-obtus, solidement attaché aux aisselles des feuilles, et å écailles calicinales verdatres ; fleur de onze a treize centimètres de diamètre (selon la force et la vigueur de la plante), double, d’un rouge carmin brillant, tirant un peu sur le vermillon et dont les nuances produisent un effet merveilleux. C’est une des plus belles variétés du genre, soit par sa brillante végétation, son feuillage et son port, soit par la dimension, la régularité et le beau coloris de sa fleur. Ce Camellia aime l’eau dans toutes les saisons, et, en été, l’ombre la plus complète, l’air libre et l’abri des vents du nord. Si on le traite differemment, ses feuilles commencent à se panacher, la floraison languit, et la plante tombe malade à la longue.
Camellia sweetii vera
Arbrisseau élancé, droit; rameaux distants bois veiné de rouge et de gris; feuilles de plus de six centimètres de large sur neuf centimètres de long, ovales-arrondies, peu acuminées, presque obtuses, distantes, épaisses, fermes, en parasol, largement dents et d’un vert terne; veines et nervures saillantes; bouton ovale obtus, a écailles noirâtres a la base et verdâtres an sommet; fleur d’environ onze centime très de diamètre, très pleine, à fond rosé tendre, ponctue de mille stries longitudinales plus ou moins foncées de rouge; pétales extérieurs peu nombreux, larges, imbriqués, irrégulièrement échancrés, renversés sur le calice: ceux qui les suivent sont très nombreux, tantôt étalés avec uniformité et formant alors une corolle parfaitement ronde et régulière; tantôt difformes, inégalement recoquillés et séparés de ceux de la circonférence, décrivant par leur ensemble une sorte de vase irrégulier et à bords renverses; centre concave, offrant tout autour des parois intérieures, quelques petits pétales jaunâtres et courts.
La corolle de cette plante se présente sous deux formes différentes : les premières fleurs sont presque toujours régulières; les autres le sont inégalement, mais toujours en coupe évasée, et ayant, quant à la disposition des couleurs, quelque ressemblance avec celle du Camellia rosa mundi, qu’elle dépasse presque du double en dimension.
Camellia tricolor
Arbrisseau robuste, bien fait d’une hâtive et vigoureuse végétation, d’un port évasé, droit, à branches bilatérales multiples, rapprochées : le bois ancien est d’une couleur jaunâtre, les rameaux sont gercés et d’un rouge brunâtre ; les feuilles ont environ quatre centimètres de large sur sept de long, sont ovales arrondies, acuminées, nombreuses, rapprochées, horizontales, à sommet recourbé, la surface supérieure en est lisse; les veines presque invisibles : elles sont dentées régulièrement et finement dans toute leur circonférence, d’un vert foncé ; les boutons, allongés, d’abord acuminés, plus tard obtus, nombreux, de moyenne force, a écailles calicinales verdâtres, forment des fleurs de neuf à dix centimètres de diamètre, semi-doubles, à fond blanc pur, striées tout le long des pétales de plusieurs lignes, les unes d’un rose tendre, les autres d’un rouge de sang : toutes de dimensions différentes, à corolle en rose étalée et bien faite, composée de douze à quinze pétales larges, réguliers, en éventail, un peu renversé au limbe, imbriqués, chacun marqué de deux ou trois lignes de carmin, qui vont du limbe à l’onglet. Ces lignes quelquefois partagent le blanc des pétales en deux parties égales, quelquefois elles sont larges, d’autres fois étroites ; souvent elles ne sont que des stries isolées et irrégulièrement placées ; ce qui donne a la fleur une singularité agréable.
Quelques étamines dressées avec grâce se montrent au centre de la corolle. Les styles sont courts, les anthères fertiles.
Les Belges ont nommé cette fleur tricolore, parce que les bandes qui paraissent sur les pétales, dont le fond est blanc, sont les unes d’un rouge foncé, les autres d’un rose tendre. Cette belle et élégante plante vient directement du Japon, d’ou elle a été importée en Europe, il y a peu d’années, par le célèbre M. de Siebold.
Il y a, sous ce nom, dans le commerce, un autre Camellia qui a fleuri dans nos serres pendant deux années de suite. Nous pouvons donc le signaler aux amateurs avec connaissance de cause. Ce Camellia est d’une végétation encore plus robuste que le premier : ses feuilles ont six centimètres de large sur dix environ de long, et sont très nombreuses ; les veines très apparentes ; les dents écartées, profondes et saillantes ; d’un vert très foncé. Le bouton a la même forme que celui du premier, et la fleur, au lieu d’être constamment marquée des trois couleurs susindiquées, est souvent d’un rouge cerise clair uni n° 2, et rend, dans ce cas, la fleur tout à fait insignifiante.
Camellia Reticulata
Le Camellia reticulata vient de la Chine. Importé en Europe en 1834 par le capitaine Rawes, ce Camellia est considéré par les botanistes comme une espèce distincte. Il diffère, sous tous les rapports, du Camellia japonica, par des feuilles raides, planes, et fortement réticulées, ainsi que par un ovaire soyeux, qui ne se rencontre par tel dans les autres espèces.
Sa tige est gérée, rougeâtre, droite, élancée ; ses rameaux sont d’une couleur jaunâtre, distants, fermes, allongés ; son port est régulier et élégant dans la jeunesse ; mais il devient peu gracieux et dégarni lorsqu’il a atteint une certaine force en un certain âge ; ses feuilles, d’un vert terne obscur, ont 5 centimètres de large sur onze de long ; elles sont oblongues, lancéolées, épaisses, rares, dentées presque invisiblement ; à la surface supérieure, qui est comme grenue, les veines sont profondes et innombrables ; à la surface inférieure, elles sont saillantes; le pédoncule est gros, droit et charnu ; le bouton est conique, long de presque cinq centimètres avant son épanouissement ; le calice est pentaphylle, à écailles jaunâtres ; la fleur est très grande, de 13 à 14 centimètres de diamètre, semi-double, d’un rouge cerise n° 1, approchant de la plus belle muance de la rose des peintres; les pétales sont au nombre de 20 à 23, larges, longs et ondulés, d’abord étalés sur le calice avec grâce, ensuite d’une manière lâche, et renversés sans régularité ; les étamines sont en nombre considérable, les unes droites, les autres courbées, paraissant au centre de la corolle ; les anthères sont larges et fertiles, d’un jaune brun sale qui fait tort à l’éclat des pétales.
Le Camellia reticulata, par une exception qui lui est tout à fait particulière, ne pousse qu’une seule fois par an, au printemps ; ce qui rend sa multiplication plus bornée.
Il n’est pas plus délicat que les autres espèces. Ses fleurs sont abondantes et complètes lorsqu’elles se développent de bonne heure, vers la mi-mars, avant la pousse ; ce qu’on obtient facilement en le plaçant dans l’endroit le plus éclairé et le plus chaud de la serre, près des vitraux, et en l’arrosant modérément et souvent lorsque la terre commence à sécher.
Le Camellia reticulata est sans contredit le plus beau de tous les Camellias qu’on possède en Europe.
Sa fleur est la plus grande de toutes celles de son genre ; sa culture est facile ; son prix modéré ; mais, à notre grand regret, il n’est pas assez répandu dans nos jardins pour répondre aux progrès auxquels l’art horticole le destine de nos jours. Doué par la nature des moyens organiques sexuels dans l’état le plus complet, et paré des caractères les plus séduisants, le Camellia reticulata est appelé à jouer tôt ou tard un rôle important dans les annales de l’horticulture moderne, et à produire peut-être une de ces heureuses révolutions physiologiques qui, favorisés par les secours de l’art et de la science, tendent à perfectionner la nature. C’est, aussi dans cet espoir, qui nous parait bien fondé, que nous invitons les horticulteurs des pays méridionaux, principalement les Italiens, à se livrer d’une manière toute spéciale à la culture de ce magnifique arbrisseau, afin de l’amener à donner dans notre hémisphère une fructification abondante. C’est à ce seul et unique but que doivent tendre tous leurs efforts ; et, s’ils persévèrent patiemment, nous sommes porte à croire que leurs essais seront couronnés des résultats les plus heureux. Nous osons même prédire que dans un temps non éloigné de nous, dans dix ou quinze ans peut-être, cette belle espèce aura tellement amélioré les variétés du genre, qu’il ne sera pas rare de voir des fleurs de Camellia égaler en dimension celles des pivoines arborescentes, et, de plus, les surpasser en beauté par la régularité de leurs formes et par la bizarrerie des nuances de leur coloris.
Camellia Colvillii
Parmi les variétés les plus recherchées, les plus bizarres et les plus nouvelles que l’on ait obtenues en Europe par le doyen des semis, vient certainement se placer le Camellia Colvillii. Ni la Chine, ni le Japon, ni même l’Amérique, ne nous ont jusqu’ici envoyé rien de comparable à cette variété. Ces pays ont bien donné des Camellia à fleurs panachées, tigrées, vergetées, rayées même comme le Camellia tricolor mais ils ne nous en ont encore fourni aucun à fleurs striées ou ponctuées comme le Camellia punctata nés de nos cultures.
Les Camellia à fleurs striées appartiennent donc exclusivement à l’Europe ; et c’est là certainement, en ce genre, un triomphe complet que notre horticulture a remporté sur celle de la Chine et du Japon. Mais comment sommes-nous arrivés à ce beau résultat ? C’est ce que nous dirons plus tard.
Cette réflexion aurait peut-être dû trouver place que lorsque nous parlerons du Camellia imperialis, car c’est cette variété qui, sortie du Camellia punctata simplex, offrit la première fleur striée qui ait paru dans nos jardins. Le Camellia Colvillii date d’une époque plus récente ; c’est en 1830 qu’il fut introduit dans le commerce, et c’est aux horticulteurs anglais qu’il dut son origine.
Le Camellia Colvillii est un arbrisseau vigoureux, rustique, et d’une culture très facile ; le port en est superbe ; sa tige, s’élevant verticalement avec uniformité, est ordinairement garnie de branches latérales régulièrement coordonnées, et richement décorées d’un ample feuillage bien nourri, bien étalé, et d’un vert très obscur : ses feuilles, d’environ 9 centimètres de large sur 12 de long, sont larges, nombreuses, ovales-arrondies, légèrement acuminées, un peu recourbées en dessous au sommet, épaisses, horizontales, formées un peu en coquille renversée, enfin supportées par un pétiole court, gros, charnu ; la surface supérieure en est fortement raboteuse, inégale : les nervures sont très prononcées ; les dents très profondes.
Le bouton est fort gros, obtus, presque sphérique ; les écailles calicinales sont d’un vert obscur. La fleur, de 10 à 11 centimètres de diamètre, est très pleine, à fond blanc lavé de rose clair, et strié d’un rouge carmin plus ou moins foncé : les rangs extérieurs des pétales ne sont pas nombreux : ceux-ci sont larges et planes, les uns étales avec régularité, les autres tourmentés et obliquement renversés ; les suivants sont moins larges, de différentes dimensions, et irrégulièrement disposés ; ceux-ci sont étales et droits, ceux-là couchés et tourmentés, tous plus petits que les premiers, serrés entre eux, el formant, par leur réunion compacte, une boule arrondie d’un grand diamètre : disposition qui donne à la corolle un aspect magnifique.
Caractères botaniques du Camellia.
Le nom de Camellia, donné d’abord par Forskal au Ruellia grandiflora, fut ensuite appliqué Linné au charmant arbrisseau qui fait le sujet de cet ouvrage. Linné le nomma ainsi pour offrir un témoignage de reconnaissance au pere Camelli, jésuite d’origine italienne, qui, en 1739, l’importa du Japon en Europe. L’introduction de cet arbuste fit beaucoup de bruit parmi botanistes de l’époque ; mais ce bruit ne dura pas longtemps, parce que ce nouvel étranger refusait d’offrir des moyens de multiplication par la voie de la fructification. Cependant on ne cessa pas de lui prodiguer les plus grands soins dans les serres, et, à force de persévérance et de temps, la patience des horticulteurs fut enfin couronnée de succès : on le vit fructifier.
Voici les caractères botaniques de cette plante :
Périanthe double ; l’externe (calice) forme de la réunion de quelques bractées ou sépales imbriquées, squammiformes, arrondies, concaves, coriaces et caduques ; l’interne (corolle) de cinq à sept pétales, rarement neuf, en nombre égal aux sépales, qu’ils dépassent de beau coup en grandeur, alternant avec elles, et souvent réunis à la base (par les onglets) ; étamines nombreuses, hypogynes, disposées en couronne , à filaments filiformes, tantôt polyadelphes et tantôt monadelphes, munies d’anthères ellipsoïdes mobiles; ovaire unique, ovale arrondi; trois à six styles plus ou moins soudés entre eux; capsule triloculaire, s’ouvrant par valves trispermes par l’avortement de quelques ovules; valve cloisonnée, devenant par dehiscence un axe triquètre libre; graines rares, charnues, assez grosses, fixées à la partie cloisons.
Le Camellia, comme nous l’avons dit plus haut, est un arbre indigène au Japon, à la Chine, à la Cochinchine et aux Indes. Il est remarquable par sa belle verdure perpétuelle, la forme de son feuillage, et surtout par la beauté de ses fleurs, ordinairement solitaires, et quelquefois réunies deux à quatre ensemble au sommet des rameaux et dans les aisselles des feuilles. Le fruit est une capsule arrondie, à trois ou cinq loges, divisée intérieurement par des cloisons formant un pareil nombre de loges qui contiennent chacune un ou deux noyaux de forme ronde, aplatie. Placé autrefois près des Orangers par M. de Jussieu, aujourd’hui le Camellia est le type d’une nouvelle famille formée, par M. de Candolle père , sous le nom de Camelliées (Théacées, MIRB. ), qui se compose des deux genres Camellia et Thea (le Thé), et que ce savant place entre les Ternstroemiacées et les Olacinées (MIRB.), ajoutant avec doute que, si de nouveaux genres intermédiaires peuvent y étre postérieurement réunis, ces trois ordres pourront bien n’en former qu’un seul, par cette raison que le Camellia ne diffère des Ternstroemiacées que par une semence sans endosperme.
Dans son pays natal, le Camellia s’élève au delà de 20 à 25 mètres ; mais en Europe, où l’on est obligé de le cultiver presque généralement en serre, il ne dépasse guère 8 à 10 mètres, et forme un arbrisseau d’un port superbe, dont le feuillage persistant, d’un vert luisant, les fleurs éclatantes, le placent sans contredit au premier rang parmi les végétaux de nos serres.
Ses rameaux sont nombreux, alternes, divergents, rougeâtres dans la jeunesse, puis cendrés et striés dans l’âge adulte ; ses feuilles, également alternes, grandes, planes ou le plus souvent convexes supérieurement, épaisses, coriaces, d’un beau vert foncé et brillant, sont bordées de dents aigues, plus ou moins profondes ; ses fleurs, simples, qui ont 5 ou 6 centimètres de diamètre, d’un rouge cerise éclatant, sont terminales, et, ainsi que dans celles de ses nombreuses variétés, doubles ou pleines, et améliorées par la culture moderne, elles naissent dans l’aisselle des feuilles. Ces magnifiques fleurs viennent annuellement réjouir notre vue lorsque les frimas rigoureux de l’hiver ont dépouillé Les jardins de toute sorte de verdure, et lorsque la nature en deuil ne présente plus nulle part aucune trace de végétation vivante.
Cette rare qualité, jointe à toutes celles qui lui sont exclusivement propres et généralement reconnues, sont des titres assez bien justifiés pour nous déterminer à lui accorder une préférence entière sur tous les arbrisseaux rares que nous cultivons en Europe ; et si la nature ne lui eût refusé une douce odeur, ce serait, aux yeux d’un grand nombre de personnes, le roi des végétaux, dont aucun alors n’eut pu lui être comparé sans désavantage. Il est cependant permis d’espérer encore à cet égard ; en effet, l’avenir du Camellia est dans les mains de l’art, qui le travaille sans relâche pour lui procurer non seulement de nouvelles prérogatives, mais mème des qualités odoriférantes. Déjà la culture a fait à ce sujet quelques découvertes que tout le monde est à même de vérifier. Sans parler ici du Camellia myrtifalia, connu depuis longtemps comme odoriférant, les Camellia Colvillii, picturata, nannetiana alba, et d’autres que nous nommerons plus loin, jouissent de cet agréable privilège lorsqu’ils sont exposés aux rayons du soleil.
Nous n’avons point jugé à propos de décrire en botaniste les transformations que la culture a fait subir au type normal (Camellia japonica) pour en obtenir tant et de si belles variétés ; aucun de nos lecteurs n’est tellement étranger à la science de la botanique, qu’il ne connaisse les métamorphoses des étamines et des styles en pétales; métamorphoses qui constituent les fleurs semi-doubles, doubles, ou pleines, et qui se présentent tous les jours à l’observateur dans nos jardins pour les Roses, les Dahlias, les Chrysanthèmes, etc.
Cependant nous ferons connaitre dans le cours de cet ouvrage les moyens qu’on doit employer pour obtenir, par la fécondation artificielle, de nouveaux et heureux résultats.
Camellia Althaeflora
Arbrisseau branchu, robuste, rustique, d’un port élancé ; rameaux divergents, nombreux, tortueux, à écorce rougeâtre, d’une croissance facile. Feuilles de 6 centimètres de large sur 13 de long environ, rapprochées réfléchies, lancécolées, un peu tourmentées, largement dentées, à sommet courbe en dessous, d’un vert foncé, à veines apparentes, luisant, à pétiole très court. Boutons obtus, gros, nombreux, au nombre de deux à quatre sur l’extrémité des anciennes branches, à écailles calicinales rougeâtres. Fleur de plus de 11 centimètres de diamètre, plus ou moins, selon la force de la plante, double, d’un rouge cerise foncé, tirant sur le pourpre : pétales de la circonférence sur plusieurs rangs, oblongs-obtus, en cuiller converse, d’environ 4 centimètres de large sur 5 de long, échancrés au sommet, et dentelés ou fimbriés a la partie supérieure du limbe ceux de l’intérieur, nombreux, allongés, étroits, de forme diverse, en masse régulière, et formant un centre assez large, bombé inégalement, et entremêlé d’étamines a plupart fertiles.
Cette variété fleurit chaque année de bonne heure et presque la première de toutes. Elle se couvre de boutons qui se développent tous facilement si on a eu la précaution de l’entretenir dans des circonstances réglées de chaleur et d’humidité. Si au moment de sa première floraison, elle est frappée par un air trop froid, le développement de ses boutons s’arrête, ou ils s’ouvrent imparfaitement et avec difficulté. La manière de la faire fleurir complétement est, ou de la tenir dans l’endroit le plus froid de la serre pour l’empêcher de fleurir de trop bonne heure, ou de favoriser sa floraison précoce par le moyen d’une exposition chaude, constante et éclairée.
Camellia Picturata
Arbrisseau pyramidal et d’une végétation rapide ; rameaux nombreux, diffus ; port gracieux, régulier ; écorce grisâtre. Feuilles de 9 centimètres de large sur 11 centimètres environ de long, rapprochées, acuminées au sommet, arrondies a la base, ovales-elliptiques, à pointe recourbée en dessous, luisantes, horizontales, profondément veinées, d’un vert foncé. Bouton obtus, très gros, a écailles calicinales verdâtres. Fleur sphérique, pleine, fond d’un blanc pur avec quelques lignes rares d’un rouge foncé, de 11 centimètres environ de diamètre ; pétales de la circonférence sur quatre rangs, entiers, larges, épais, arrondis, étalés horizontalement, et séparés les uns des autres ; ceux du centre assez larges, coquilles, sinueux, irréguliers, plissés et imbriques inégalement ; corolle en rosace régulière, bien faite, et d’un effet magnifique.
Cette plante a été obtenue de graines en Italie, en 1832 ; elle fleurit facilement lorsqu’on a soin de la placer dans un endroit bien éclairé de la serre. Sa culture n’exige aucune autre particularité. Lorsque la fleur est exposée au soleil, elle exhale une légère odeur assez suave, et qui participe un peu de celle de l’Oranger ou de l’Acacia.
Camellia Imbricata Rubra
Arbrisseau rustique, pyramidal, à branches longues, droites et flexibles ; à rameaux rapprochés, ondulés, et revêtus d’une écorce de couleur brunâtre. Feuilles ovales-lancéolées, tourmentées, recoquillées, nombreuses, horizontales, à pointe recourbée en dessous, à nervures saillantes sur la face supérieure, finement dentées et d’un vert terne, de plus de 5 centimètres de large sur environ 11 de long. Boutons sphériques, assez gros, à écailles calicinales verdâtres. Fleurs de 11 centimètres de diamètre, pleines, d’un rouge cerise clair nuancé de laque carminée ; pétales ovales, larges, allongés, terminés en pointe au sommet, imbriqués tous alternativement, avec une admirable régularité, du centre à la circonférence, et au nombre de soixante-dix à soixante-quinze : ceux du milieu sont souvent striés ou marqués de taches d’un blanc terne ; la corolle est parfaitement ronde et régulière, quelquefois panachée de blanc. Dans cette variété, le bouton commence à rougir au sommet dès l’automne, et se développe entièrement au milieu de l’hiver.
Camellia Doncklari
Arbrisseau d’un port élancé, pyramidal, de médiocre déviation, à branches allongées garnies de rameaux distants, à écorce grisâtre. Feuilles plans, rapprochés, ovales-oblongues, régulièrement dentes, de plus de 108 millimètres de long sur 6 centimètres de large ; atténués aux deux extrémités, dont la supérieure est réfléchie en dessous d’un vert-pomme luisant. Bouton ovale-allongé, acuminé, à écailles verres. Calice à cinq divisions vertes, papyracées, rosées à la base, larges de 11 millimètres et longues de 18. Fleur de 10 à 11 centimètres de diamètre, semi-double, à fond rouge cerise foncé, maculé de larges taches blanches ; pétales au nombre de 20 environ, de plus de 10 millimètres de long sur 27 de large; ovales-oblongs, obtus, entiers, en cuillère, écartés, tigrés ou jaspés de blanc, dont les teintes se fondent et se perdent par degrés ; le cœur de la corolle composé de 4 à 6 pétales recoquillés, entre lesquels on aperçoit plusieurs étamines fertiles, et d’autres à l’état pétaloïde.
Ce Camellia existe en Europe depuis 1830 ; c’est M. le docteur Siebold qui l’y importa de la Chine. Confié aux soins éclairés de M. Doncklaër directeur du Jardin royal de Gand), à qui il fut dédié, ce Camellia entra deux ans après, par souscription, dans le commerce, et occupa bientôt une place distinguée dans toutes les serres d’amateurs. Cette plante ne donne pas toujours des fleurs panachées ; elles sont quelquefois d’un rouge uniforme, et perdent alors leur mérite principal, consistant dans l’élégance de leurs panachures. On voit souvent suinter du centre de l’ovaire de ce Camellia une liqueur douce, mielleuse et claire, ressemblant au sirop de gomme. Il a fructifié dans plusieurs jardins européens, mais nous n’en connaissons pas encore le résultat.
Camellia Decora
Arbrisseau vigoureux, d’un port élégant, et d’une végétation rapide à rameaux droits, rapprochés, divergents ; à écorce un peu raboteuse et cendrée. Feuilles de 10 centimètres environ de longueur sur 7 de largeur, ovales-obtuses, presque rondes, dentées, peu veinées, d’un vert obscur, très luisantes, planes. Boulon très gros, à écailles calicinales blanchâtres au sommeil, jaune-noirâtre à la base. Fleur de 11 à 12 centimètres de diamètre, pleine, d’un rouge cerise peu vif ; pétales extérieurs quadrisériés, renversés, festonnés, échancrés assez profondément au sommet, et régulièrement imbriqués, larges de près de 54 millimètres ; ceux de l’intérieur petits, chiffonnés, très courts, ramassés, formant un centre assez large, et renfermant à leur base quelques étamines ; corolle ronde, régulière, déprimée, d’un effet magnifique
Ce Camellia fleurit facilement chaque année. La surface supérieure des pétales n’est pas exactement plane et lisse, mais légèrement ridée, presque chiffonnée ou granulée, et d’un rouge un peu terne ; particularités qu’on n’a jusqu’ici rencontrées dans aucune autre variété. La fleur garde sa fraicheur pendant près d’un mois si on a soin d’ombrager la plante contre l’action trop vive des rayons solaires durant le temps de sa floraison.
II.- Des progrès du Camellia par la culture, et de la nécessité d'une classification de ce genre
Le Camellia japonica tel qu’il fut introduit, comme nous l’avons dit, en Europe, en 1739, orna d’abord les jardins d’Angleterre. Bientôt il passa en Italie, puis en France; enfin, plus tard, en Allemagne. Cette espèce fut seule en Europe pendant quarante-sept ans. Elle fructifia ensuite dans plusieurs contrées différentes, et donna des variétés qui furent long-temps estimées.
Mais en 1792, époque à laquelle parurent à la fois en Europe les plus belles variétés, le blanc, le panaché et le rouge doubles, l’admiration pour le type diminua nécessairement tout à coup
Depuis l’introduction de ces trois premières variétés, le Japon et la Chine nous en fournirent d’autres également remarquables, telles que l’incarnata en 1806, le myrtifolia en 1808, le warrata en 1809, enfin le poenioeflora et le pompania en 1810.
Par la suite, plusieurs de ces variétés, et surtout les trois dernières, purent fructifier dans nos jardins, et on obtint alors de leurs noces légitimes ou adultérines, des variétés ou des hybrides fort intéressants. Le temps, la culture, et aussi le hasard, déterminèrent à leur tour ces nouveaux produits à donner naissance à d’autres qui égalent, sans contredit, en mérite, ceux qui nous vinrent du pays natal. Ce mode facile de reproduction par la fructification) étant aujourd’hui général, et les résultats en augmentant tous les jours davantage, les esprits éclairés s’accordent pour craindre, dans l’avenir, que les nombreuses variétés qui entrent tous les jours dans le commerce n’amènent bientôt, et immanquablement, une confusion, une difficulté insurmontables pour se guider dans ce nouveau labyrinthe, si on ne trouve un fil conducteur au moyen de fixation d’un ordre de classification en rapport avec les besoins de l’horticulture et du commerce. Cette crainte, qui nous parait généralement partagée, nous a encourage à émettre nos idées à cet égard, et à proposer une méthode qui pat être à la portée de tout le monde, et remplir, autant que nous le permettent nos faibles moyens, le but que nous nous sommes proposé, celui d’être utile à l’horticulture.
Dans ce dessein, d’après sa coloration générale (moyen qui nous a semblé le plus simple et le plus naturel), nous avons divisé les Camellia en deux classes: les Camellia unicolares, et les Camellia bicolores. La première classe comprend ceux dont les couleurs sont simples, et plus ou moins pures, plus ou moins foncées; la seconde contient les couleurs mélangées, plus ou moins tranchées.
C’est sur cette base que nous avons fondé cation qui fait le sujet du travail suivant, la méthode de classification du Camellia, classification qui fait le sujet du travail suivant.
Camellia Cliviana
Arbrisseau élevé, ordinairement droit, d’un beau port, qu’il doit à son feuillage ample et bien disposé ; rameaux diffus, allongés, souvent courbes par la pesanteur des fleurs dont ils sont couverts ; écorce grisâtre. Feuilles ovales-allongées, très acuminées, rapprochées, horizontales ou dressées, à surface supérieure plane, finement granulées, profondément dentées, d’un vert obscur, de plus de 11 centimètres de long sur plus de 8 de large. Bouton très gros, obtus, à écailles calicinales vertes ; sépales bruns à la base et jaunâtres au sommet. Fleur de 12 : 13 centimètres de diamètre, double, quelquefois en forme de coupe évasée, souvent aplatie, d’un rouge-cerise clair presque rosé, plus ou moins foncé selon la saison ; les pétales du premier rang sont peu nombreux, larges de 4 centimètres et longs de plus de 5, en gouttière, échancrés au sommet, tales avec uniforme et de manière à figurer une corolle arrondie et comme étoilée ; ceux des rangs suivants sont allongés, ovales aigus, moins larges, et affectent la même disposition que les premiers ; ceux du centre, encore plus petits, mais nombreux, sont touffus, allongés, serrés comme dans le Camellia anemoneflora, et forment un cœur relevé, irrégulier, large d’environ 4 centimètres de diamètre : quelques-uns de ces derniers sont veinés de lignes blanchâtres.
Celte variété fleurit facilement ; ses boutons sont réunis plusieurs ensemble à l’extrémité des rameaux, ils se développent successivement ; mais, pour jouir sûrement de leur floraison, il ne faut pas trop chauffer la plante : car, à la moindre variation dans l’atmosphère factice de la serre, la floraison avorterait. Il faut aussi, dans ce but, réduire le nombre de ses boutons, opération que l’on fait à la fin d’octobre avec un couteau droit, en coupant par la moitié les pédoncules des boutons qu’on veut ôter ; on les détache ensuite avec les doigts, en prenant quelque précaution pour ne pas blesser ceux qu’on veut conserver.
Camellia Welbancksiana ou Heptangularis
Le Camellia Welbancksiana est un arbrisseau qui croit rapidement, et qui tend de sa nature à s’élever droit et à se dégarnir vers la base. Plusieurs autres variétés se comportent de la même manière : tels sont les Camellia pomponia, pawoniaflora, ete. Pour lui donner un port agréable à la vue, et pour l’amener à fleurir abondamment, il faut recourir à la taille, et c’est à la fin de septembre qu’il faut faire cette opération. On se prive de sa floraison pendant un an, il est vrai ; nais aussi, au printemps suivant, on en test bien dédommagé par l’obtention d’un succès complet.
Les feuilles de cet arbrisseau ont environ 8 centimètres de long sur 4 de large ; elles sont ovales-lan céolées, réfléchies, légèrement dentées (quelques unes sont elliptiques), lisses, d’un vert terne jaunâtre. Les boutons en sont sphériques, gros, nombreux, à écailles calicinales noirâtres jusqu’au moment de leur entier développement. Fleurs doubles, de 10 à 11 centimètres de diamètre, irrégulières, blanches ; les pétales des premiers rangs sont larges, échancrés au sommet, et étales horizontalement sans ordre sur le calice ; ceux qui les suivent sont nombreux, de moyenne force, échancrés, tourmentés, dressés, allongés, groupés de manière à imiter la réunion de plusieurs fleurs qui seraient renfermées dans un calica commun ; ceux de l’intérieur sont plus petits, droits, chiffonnés, irréguliers, et entremêlés d’étamines ; la corolle est plane vers la périphérie, et bombée au centre ; quelquefois des étamines stériles sont confondues parmi les rangs secondaires des pétales, et dans ce cas le fond en est d’un blanc sale tirant sur le jaunâtre.
Le Camelia Welbancksiana est superbe variété qui fleurit abondamment tous les ans si elle est bien traitée ; elle aime la lumière en hiver, et l’ombre en été. Il faut rarement la rempoter, et en changer seulement, à la surface du pot, tous les printemps, la terre à un pouce de profondeur. Ce Camellia est aussi connu sous le nom de Cantelli heptangularis, par la raison que sa corolle offre souvent une forme à 6 ou 7 angles.
Camellia King’s royal
C’est en mars 1837, lors de la grande exposition de Gand, à l’époque de l’inauguration du Casino Bota nique, que les jardiniers belges surent tirer un grand parti de cette belle variété. La description verbale de sa fleur, faite d’après un dessin mal colorié qu’on montrait dans tous les établissements de Gand, excita beaucoup d’enthousiasme parmi les amateurs de Camellia ; et, malgré le prix élevé (120 fr.) auquel on en vendait des greffes avec une seule feuille, l’affluence des acquéreurs qui se les disputèrent était si grande, qu’on ne pouvait se les procurer, même à ce prix, qu’avec beaucoup de peine, et que plusieurs amateurs quittèrent ce pays sans avoir été assez heureux pour en acheter. C’est aussi à cette époque qu’un jardinier de Gand, que nous connaissions très particulièrement, eut la complaisance de nous en réserver un joli petit individu qui, en 1838, nous donne une fleur parfaite. Voici la description de cette belle plante :
Feuilles de différentes dimensions ; les unes de 7 centimètres de large sur 1 décimètre de long ; d’autres plus grandes, ovales-arrondies, horizontales, à sommet un peu recourbé en dessous, largement dentées, d’un vert obscur. Boutons obtus, d’écailles rayées de noir et de jaune. Fleurs de plus d’un décimètre de diamètre, pleines ; à fond blanc, marqué de quelques stries rares d’un rouge pâle ; pétales extérieurs sur un ou deux rangs, très larges, épais, renversés, irrégulièrement disposés et échancrés ; ceux de l’intérieur tourmentés, ramassés, courts, larges, nombreux, inégaux, serrés les uns contre les autres par paquets, et formant par leur ensemble une touffe de plus de 7 centimètres de largeur. Corolle on anémone.
Cette plante est rustique, vigoureuse, facile à cultiver, très floribonde, et d’un port magnifique. Anglaise d’origine, son introduction en France ne date que de 1837. Les belges se sont plu à lui donner le nom de C. spectabilis maculata, et ici nous allons devoir émettre franchement l’opinion suivante :
Nous blâmons fortement cet usage de changer les noms. Comme moyen de spéculation3, nous la flétrissons à haute voix et de toutes nos forces ; comme effet d’amour-propre on de caprice, nous le désapprouvons également, car il entraine les amateurs à se tromper el augmenter leurs dépenses sans en trouver l’équivalent. Cette manière d’agir fait un tort immense au commerce, en même temps qu’elle déshonore ceux qui s’en rendent possibles.
Le prix de cette variété est devenu maintenant très modéré, parce que ses couleurs et ses formes sont peu tranchées et diffèrent assez peu de toutes les varices ponctues que nous connaissons jusqu’à ce jour.
Camellia Fraserii
Le Camellia Fraserii est un arbrisseau doué d’une belle végétation, d’un joli port et d’une santé robuste. Il ne craint pas les variations de l’atmosphère et fleurit abondamment tous les ans avec facilité ; sa tige est droite, ramifiée, singulière, et garnie de branches latérales à partir du pied jusqu’au sommet. Ses feuilles, de 6 centimètres de large sur 8 de long, sont ovales-arrondies ; les unes horizontales, les autres inclinées ; toutes nombreuses, en cuillère renversée, profondément veinées, assez régulièrement dentées, à sommet un peu recourbé en dessous, d’un vert foncé ; le pétiole est droit, très gros et charnu. Boutons obtus, allongés, nombreux, solides, à écailles calicinales verdâtres. Fleurs de 9 a 10 centimètres de diamètre, doubles, d’un beau rouge-cerise n° 5, quelquefois moins foncé ; les premiers rangs des pétales extérieurs sont presque tous egaux, larges, arrondis, échancrés et bien imbriqués ; les autres sont entiers, ovales, bien étagés, un peu renversés, veinés de lignes verticales très fines d’un rouge sanguin ; ceux du centre, au nombre de cinq ou six, sont tortillés, dressés, entremêles d’etamines stériles, ou, pour mieux dire, de filets sans anthères; corolle évasée, en rosace, irrégulièrement arrondie. C’est une très belle plante, qui mérite une place dans les collections d’amateurs.
Camellia Frédéric le Grand
C’est un arbrisseau très vigoureux, doué d’une végétation rapide et brillante, tendant à s’élever en pyramide ; le port est régulier les branches droites ; les rameaux, lorsqu’ils sont encore à l’état herbacé, sont gros, succulents, et se courbent sous le poids du feuillage ; ensuite ils se relèvent au fur et à mesure que leur bois s’aoûte ; l’écorce en est d’une couleur gris foncé. Les feuilles ont 9 centimètres de Iarge sur 16 de long : elles sont épaisses, fermes, planes, ovales-lancéolées, un peu acuminées ; le sommet en est un peu renversé ; les nervures fortes et saillantes ; la dentelure profonde : le pétiole a 27 millimètres de longueur, Le bouton est très gros, ovale-obtus, bien attaché dans l’aisselle, à écailles calicinales verdâtres. La fleur est à cœur déprimé, très large, de 13 centimètres de diamètre et quelquefois même davantage, pleine, d’un beau rouge-cerise clair, délicat et brillant ; les pétales extérieurs, disposés sur cinq ou six rangs, sont nombreux, épais, vernissés, larges d’environ 51 millimètres, imbriqués avec régularité, et souvent renversés avec grâce au sommet les uns sur les autres ; ceux du centre sont peu nombreux, petits, difformes, irréguliers, lavés ou stries de blanc, quelquefois même entremêles de quelques étamines ; la corolle, en pose régulière, forme un peu l’entonnoir au bord, et offre par l’élégante uniformité de ses pétales un effet magnifique.
Nous avons observé que dans cette variété les boutons ne paraissent que fort tard, après la première pousse, quelquefois même ils ne se montrent qu’a la seconde, et alors ils sont moins nourris et moins volumineux. Aussi, pour avoir de belles fleurs, il faut garder longtemps la plante en serre au printemps, dans une température constamment élevée, pour tâcher de lui faire produire des boutons de bonne heure.
Cette variété a été obtenue de graines, en Amérique, par M. Floy, de New-York, et a porté pendant longtemps le nom de ce cultivateur.
Pendant que le Grand Frédéric faisait tant de bruit en Europe, M. Wilder, de Boston, que nous n’avions pas encore l’honneur de connaitre, nous procurait l’agréable surprise de nous l’envoyer en cadeau du fond de l’Amérique, et l’individu qu’il nous adressait était tellement beau, et avait été si bien préservé de tout accident pendant la traversée, qu’il fleurit admirablement entre nos mains l’hiver même qui succéda a son arrivée. Que l’aimable M. Wilder, devenu depuis notre collègue et ami, trouve ici de nouveau les sentiments de notre profonde reconnaissance ; qu’il sache que l’individu qu’il nous adressa fleurit le premier en Europe, et que c’est d’après lui que Jung dessina la planche ci-jointe.
Plus tard M. Floy mit dans le commerce plusieurs autres Camellia plus ou moins méritants, qui, ayant été acquis par divers horticulteurs anglais, portèrent d’abord le nom du vendeur et ensuite celui de l’acheteur. C’est ainsi que l’on trouve dans les catalogues anglais et belges ces doubles noms ainsi accolés : Floy de Brougham, Floy de Loddiges , Floy de Joung, Floy de Wand, etc. Toutes ces plantes sont tant de variétés différentes, qui n’ont aucun rapport avec le C. Floy Grand Frédéric de cet ouvrage.
Méthode de classification
Cette méthode consiste en deux séries ou gammes chromatiques ascendantes des tons et des nuances naturelles aux fleurs des variétés principales du Camellia, variétés issues, comme nous l’avons dit, du Camellia japonica proprement dit.
La première gamme commence par le blanc pur, qui passe au rose, ensuite au cerise plus ou moins foncé, va à l’amarante ou au rose de Provence, et s’arrête au pourpre.
La seconde gamme commence par le carné jaunâtre (blanc sale). qui passe au chair, ensuite à l’orange clair ou foncé, et s’arrête au ponceau.
Les fleurs de ces deux gammes sont, comme nous l’avons dit ailleurs, ou unicolores, ou bicolores. Les unicolores sont celles qui ne subissent aucune modification dans l’unité de leur couleur.
Les bicolores, au contraire, subissent plusieurs modifications et présentent cinq divisions différentes.
La première gamme en comprend trois ; ce sont :
1- Les fleurs à fond blanc, strictes ou panachées de rose ;
2- Les fleurs à fond rose, striées ou panachées de cerise ;
3- Les fleurs à fond cerise, striées ou panachées de blanc.
La seconde gamme en comprend deux ; ce sont :
1- Les fleurs à fond blanc sale, couleur de chair, striées de blanc ;
2- Les fleurs à fond rouge orangé plus ou moins foncé, striées ou panachées de blanc.
Dans la première gamme (et ici nous empruntons le langage du peintre), le blanc n’est dominé par aucune couleur.
Le rose est dominé ou par la laque rose clair et le jaune de Naples ;
Ou par la laque rose clair, jaune de Naples et vermillon ;
Ou par la laque rose foncé, jaune de Naples et vermillon.
Le cerise clair ou foncé est dominé ou par la laque carminée, qui, mêlée avec plus ou moins de laque rose et vermillon, produit l’amarante plus ou moins foncée ;
Ou par la laque carmin de télé avec plus ou moins de vermillon, qui produit le rouge des Indes ;
Ou par le carlin, mêlé avec plus de vermillon, qui produit le rose de Provence, ou le pourpre.
Dans la seconde gamme, le blanc sale, ou la couleur de chair, est dominé par la laque rose clair et le cinabre.
Le rouge orange clair de celte même gamme est dominé par la laque rose avec plus de cinabre.
Le rouge orange foncé est dominé par le carmine, mêlé avec plus ou moins de cinabre, ce qui produit le ponceau.
III.- Notions pour l'intelligence de l'iconographie.
En fait de matière scientifique, il n’est pas facile de créer un langage spécial pour se mettre à la portée des facultés intellectuelles de tout le monde ; et, à cet égard, tous les errements ne sont pas également bons à suivre : on doit toujours préférer ceux qui paraissent les plus rationnels et les plus usités.
Guide par un tel principe, et pour nous faire comprendre de tous les horticulteurs, nous avons dû adopter un mode simple et uniforme de description, basé sur les caractères les plus saillants de la plante, c’est-à-dire son port, son écorce, les dimensions de ses feuilles, la forme et la couleur de ses boutons et de ses fleurs, etc. On nous reprochera peut-être beaucoup de monotonie dans nos descriptions, des répétitions fatigantes, des mots quelque fois arides ! que savons-nous ? Il pourra y avoir quelque chose de vrai dans ces reproches ; mais nous avons dû, avant de prétendre à un discours élégant et fleuri, mettre la concision et la clarté nécessaires pour nous rendre parfaitement intelligible à tous. Et d’ailleurs, pourrait-il en être autrement, lorsque la description ou l’argumentation elle-même est obligée de router constamment sur un même pivot ? Nous avons donc la confiance d’avoir suivi en cela la marche la meilleure comme la plus rationnelle. Ceci posé, voici sur quelles bases est fondé notre travail :
Nous avons divisé les boutons d’après la couleur de leurs écailles calicinales ; couleur qui caractérise, dans ces plantes, le plus ou moins facile développement des fleurs. Ainsi nous disons 1e que les boutons à écailles calicinales verdâtres annoncent un épanouissement facile ; 2e que ceux à écailles jaunâtres offrent moins do facilité & an développer ; 3e enfin que ceux qui ont des écailles noirâtres présenteront des difficultés ou au moins de l’incertitude pour accomplir une floraison normale.
Les personnes qui se conformeront à ces indications ne se tromperont jamais dans le choix qu’elles auront à faire parmi les Camellia.
Nous avons aussi divisé les fleurs en simples, semi-doubles, doubles, pleines, régulières et irrégulières.
Pour ne pas laisser d’équivoque dans l’esprit des horticulteurs, qui souvent confondent les dénominations qui précèdent, nous croyons devoir en donner ici la définition : car nous savons par expérience qu’il n’y a rien encore de positif à cet égard, et que beaucoup de jardiniers eux-mêmes appellent improprement fleur pleine celle qui n’est que double, et semi-double celle qui est simple. Donc, pour mettre tout le monde d’accord sur ce point essentiel, nous entendons par fleur simple celle qui n’a qu’un rang de pétales, quoique dans plusieurs variétés les organes sexuels passent quelquefois à l’état pétaloïde, et forment pour ainsi dire un état intermédiaire entre les fleurs simples et les fleurs doubles, ainsi que cela a lieu dans les Camellia dianthiflora, insignis, argent, papaveracea et autres, dont certains jardiniers, par erreur, appellent les fleurs doubles, Or, cet état de transformation n’étant que purement accidentel, nous plaçons ces variétés parmi les Camellia à fleurs simples.
Les fleurs semi-doubles sont, à notre avis, celles qui n’ont que deux rangs de pétales, et renferment au centre des étamines à l’état normal ou pétaloïde, telles qu’on en voit dans les Camellia reticulata, Doncklaari, tricolar, etc.
Les fleurs doubles sont celles qui ont plusieurs rangs de pétales entremêlés, au centre, d’étamines fertiles ou pétaloïdes apparentes, comme on le remarque dans les Camellia welbancksiana, variegata, rex Batavia, etc.
Les fleurs pleines, enfin, sont celles dont les rangs de pétales sont tellement multipliés, qu’ils ne laissent entrevoir aucune trace d’organes sexuels, et sont tous transformés en pétales plus ou moins complets. Exemples : les Camellia eximia, alba plena, rubra plena, etc.
On appelle fleurs régulières celles dont toutes les parties, coupées horizontalement, présentent ces parties placées à une égale distance d’un centre commun, offrent dans leur contour un ensemble symétrique presque toujours uniforme. La fleur régulière est composée ou d’un seul rang de pétales égaux et également disposés, comme dans la fleur du Cemeliia japonica simplex ; ou d’un plus grand nombre de rangs de pétales égaux, et disposés en forme de rose, c’est-à-dire se couvrant les uns les autres ; disposition que nous appelons imbrication, comme on le voit dans la fleur du Camellia alba plena.
Les fleurs irrégulières sont formées de pétales dissemblables, inégaux entre eux : telles sont les fleurs du Camellia rubra plena.
L’irrégularité de la fleur et l’avortement des étamines sont en général des phénomènes corrélatifs.
De la culture du Camellia en général
Le Camellia est, sans contredit, une des plus belles conquêtes que l’horticulture ait faites vers le milieu du siècle dernier. Indépendamment de son port magnifique, de l’élégance rare de son feuillage persistant, de la beauté et de la dimension de ses fleurs, de la saison dans laquelle elles paraissent de leur variété, de leur abondance, de leur durée, on peut ajouter, bien que ceci semble être un paradoxe, que son défaut d’odeur est une qualité de plus parmi celles qui lui assignent une place distinguée dans nos serres. Et, en effet, si la fleur du Camellia était douée d’une odeur quelconque, fût-ce l’odeur même la plus suave, telle que celle des Daphné, des Jacinthes, de la Rose, pourrions-nous grouper ses belles variétés en grand nombre dans nos appartements, et supporterions-nous impunément l’émanation de leurs odeurs combinées ? Au contraire donc, aucune émanation insalubre ne s’échappant des fleurs de ces beaux végétaux, et leur contact, pour ainsi dire, ne pouvant nuire en aucune manière à la santé de l’homme, le Camelia est un des rares végétaux qui nous accordent les trésors de leur floraison à l’époque des frimas et que nous puissions employer sans crainte et avec le plus d’éclat à embellir nos demeures. Aussi de quels salons, de quelles fêtes, de quels bals, de quels concerts, de quelles réunions du beau monde, enfin, les fleurs de Camellia seraient-elles exclues ? Ne sont-elles pas à la fois la plus belle, la plus simple, et la plus riche parure de la beauté, qui peut en orner sa chevelure et les respirer sans danger ? Quels charmes n’ont-elles pas pour les malades eux-mêmes, dont, on le sait, la présence d’une fleur suffit quelquefois pour égayer l’imagination et l’isolement, et qui peuvent jouir avec sécurité de la vue de ces belles fleurs ? Toutes ces qualités, tous ces attraits, qu’on ne saurait contester au Camellia, donnent à cet arbrisseau une prééminence presque exclusive sur tous les autres végétaux, et lui assignent le premier rang parmi les plantes les plus agréables dont nous aimions à nous entourer pour augmenter nos jouissances. Mais quels que soient ces avantages, ils sont encore, en général, bien loin d’être appréciés à leur juste valeur. En effet, bien que le Camellia ne rencontre de toutes parts que des admirateurs, sa culture cependant n’en est pas pour cela, au grand regret des horticulteurs éclairés, ni plus répandue, ni plus recherchée, ni surtout mieux comprise. Aussi, notre but étant de propager par tous les moyens dont nous pouvons disposer le goût que nous inspire ce beau végétal, nous venons donner ici quelques courtes instructions qui faciliteront à tous l’intelligence de sa culture.
Pour nous, consacré depuis de longues années à la culture spéciale du Camellia, étudiant avec une minutieuse vigilance la marche que suit la nature dans ce beau genre, nous avons aussi, pendant ce laps de temps, pris de nombreuses et intéressantes notes sur sa végétation, sur sa floraison, sur sa fructification, sur les différents modes de le multiplier et de le conserver, enfin sur tout ce qui concerne la culture complète de cet arbrisseau ; notes qui étant rédigées avec tout le soin et toute la lucidité dont nous sommes capable, nous donnent aujourd’hui l’opportunité d’aplanir ici toutes les difficultés qu’elle peut comporter, en faveur des horticulteurs pour qui nous écrivons, et nous avouerons avec candeur qu’on se conformant aux préceptes que notre expérience nous a permis de tracer sur la culture du Camellia, et aussi bien que nous le permettent nos faibles moyens, nous espérons qu’ils en retireront bientôt l’agrément et le bonheur sans mélange que la culture des fleurs peut seule procurer.
Quoique le Camellia soit un arbrisseau d’une nature assez rustique, et que pour végéter vigoureusement il n’exige pas une température élevée ni un sol d’une nature extraordinaire ; quoique toutes les expositions lui conviennent que tous les abris Iui soient bons, et que plusieurs degrés de froid même ne lui fassent pas périr, cependant, pour lui faire acquérir une végétation vigoureuse, pour le faire fleurir abondamment chaque année, et pour le soumettre avec succès aux différentes voies de multiplication, voici quelques conditions principales, essentielles, auxquelles on doit se conformer: En premier lieu se présente la terre ou il doit être cultivé, et qui est ordinairement le terreau dit vulgairement terre de bruyères. Le choix de cette terre n’est pas sans quelque difficulté ; et, dans l’intérêt des horticulteurs, nous nous étendrons volontiers un peu sur un sujet d’une si haute importance pour les résultats que doit en retirer la culture du Camellia.
La terre de bruyères la meilleure est celle qui contient le plus de parties substantielles provenant des détritus végétaux et animaux : mais avant d’exposer plus au long les propriétés de cette terre, il ne sera pas hors de propos de faire connaitre ici son origine, ainsi que l’histoire de cette précieuse découverte.
Origine du terreau de bruyères.
Tout le monde sait que les gaz atmosphériques et les météores aqueux (pluie, neige, etc.) décomposent journellement la surface des rochers. Aussitôt que cette surface est en efflorescence, elle acquiert la faculté d’absorber un peu d’humidité, et alors les lichens s’en emparent ; ils s’y multiplient rapidement, et, à mesure qu’ils meurent, ils se décomposent et for ment un sol favorable au développement des mousses. Celles-ci, à leur tour, fournissent, au bout d’un certain laps de temps, par leur décomposition ou détritus, une couche d’humus assez épaisse pour que de petits arbrisseaux puissent y enfoncer leurs racines ; et enfin, succession végétale sera telle dans ce sol nouveau, qu’après un certain nombre d’années un vieillard pourra rencontrer des arbres assez élevés là où, dans sa jeunesse, pouvaient à peine croître quelques plantes maigres et rachitiques.
Telle est, en principe, la formation des terreaux naturels, et telle est l’origine primaire de celui de bruyères.
Mais comme ce premier terreau naturel, si convenable à l’horticulture, ne se trouve que dans certaines localités privilégiées, dans des parties montueuses qui ont pour base un fond rocheux, et que dans ces contrées même il est rare et coûteux, un homme habile, à qui la science doit une couronne immortelle, mu uniquement par l’intérêt des progrès horticoles, dirigea les recherches scientifiques sur ce point essentiel des cultures, et découvrit dans nos forêts une terre analogue à celle des rochers en décomposition, et qui, donnant les mêmes résultats, offre à des conditions meilleures, outre celui de l’abondance et de la médiocrité du prix, l’avantage de la supériorité sur toute autre terre végétale, et un milieu convenable à la presque-généralité des plantes étrangères. Cette terre, tout le monde le devine, est celle de bruyères, dont l’emploi convenable fut découvert en 1780 par Lemonnier, alors professeur de botanique au Muséum d’histoire naturelle au Jardin du Roi. Lemonnier !… Ah ! si un homme mérite d’être rappelé au souvenir reconnaissant des horticulteurs modernes, certes c’est Lemonnier, dont la découverte a multiplié parmi nous la culture des végétaux provenant des zones les plus opposées, en loir substituant avec sites une seconde patrie, des habitudes nouvelles, et, pour ainsi dire, une existence civilisée. Honneur donc à Lemonnier ! Honneur à sa mémoire !…
La bonne terre de bruyères doit être légère, sablonneuse, ne pas noircir les doigts, et avoir une couleur d’un brun marron brunâtre, ou fauve foncé, On l’appelle terre de bruyères, parce qu’elle est le résultat de la décomposition de ces arbustes, et parce qu’on la trouve en couches plus ou moins épaisses dans les forêts et sur les lisières des bois, où ces plantes croissent en grande abondance. Elle a pour base une partie de la terre sur laquelle la couche s’est formée, et qui est ordinairement sablonneuse ou légère ; ensuite une couche d’humus végétal. Cette terre, la plus légère de toutes les terres employées en horticulture, est celle dans laquelle les Camellia, qui aiment en général une fraîcheur constante et une humidité soutenue, réussissent le mieux. Elle a aussi la précieuse propriété de conserver plus longtemps que toute autre, à l’état actif, tous ses principes fertilisants ; et cela , parce que l’humus végétal ou plutôt le détritus des végétaux s’y décompose plus lentement que dans toute autre, et que la fermentation et les dégagements de gaz y durent longtemps, par conséquent elle fournit aux végétaux qu’on y cultive une nourriture abondante pendant tout le temps que dure sa décomposition ; de plus, tant que cette décomposition n’est pas complète, c’est-à-dire tant qu’il y reste quelques principes organiques qui ne sont pas retournés à leur état primitif (l’état gazeux), ses sels forment de nouvelles combinaisons avec les gaz atmosphériques, et de là augmentation de molécules solubles dans l’eau. Mais cet état substantiel d’activité disparait aussitôt que la décomposition a exécuté entièrement son action. Ne pouvant plus alors être ranimée, comme d’autres terres, par des agents nouveaux, tels que les engrais, il en résulte qu’elle devient tellement stérile et nuisible aux plantes qui y vivent, que, si on néglige de la changer totalement, la santé des végétaux épreuve la plus grande altération, et à la longue la maladie devient entièrement incurable. Il est donc essentiel de parer à cet inconvénient, que savent éviter à propos les jardiniers commerçants, mais pas assez les amateurs, qui, souvent par une économie mal entendue, souvent par entêtement, et presque toujours par défaut d’expérience, laissent le mal empirer et ont le regret de voir périr de précieuses plantes.
Il y a en France une immense quantité de terre de bruyères, surtout dans les pays dont le fond est sablonneux et léger, et où les bruyères et les genêts croissent naturellement et en abondance. Les landes de Bordeaux, de Bretagne, de la Sologne, de la Flandre, cantons presque plats, inondés pendant l’hiver, et très secs pendant l’été, sont des pays exclusivement couverts de bruyères; mais les terres de ces localités (les landes) sont bien loin de valoir celles des environs de Paris, de la Belgique, et d’autres même de certaines parties de la France. Dépourvues des agents principaux qui concourent à animer la végétation, les terres des laudes doivent être exclues de nos jardins ; tandis que ces dernières, plus ou moins char gènes de stimulants végétaux, peuvent presque toutes entrer dans nos cultures des plantes exotiques.
Les meilleures terres de bruyères trouvées dans les environs de Paris sont celles qu’on ex trait de certaines vallées, telles que celles de la Chapelle-en-Serval, de Saint-Leu, de Meudon et de Versailles, parce que les eaux pluviales qui tombent sur les collines couvertes de bruyères transportent et accumulent dans ces vallées tous les détritus végétaux, ainsi que le terreau déjà tout formé. Là on en trouve quelquefois de plus d’un demi-mètre d’épaisseur, lorsque sur le plateau supérieur il y en a à peine de 15 à 16 centimètres.
On extrait la terre de bruyères avec la pioche ou la bêche, en parallélépipèdes de 30 centimètres de long sur 16 à 18 de large. Transportée dans un jardin, on la met en tas pour s’en servir à la première occasion. Mais comme cette terre ne se trouve pas partout, et qu’elle coûte des frais de transport très considérables, nous croyons rendre service aux amateurs en exposant ici l’analyse de celles de Meudon et de la Chapelle-en-Serval, afin de leur donner la faculté de la composer artificiellement.
En Angleterre, où la terre de bruyères est rare, des horticulteurs très habiles, tels que MM. Loddiges, Sweet, Young et autres, cultivent le Camellia dans une terre normale, douce, chargée de substances végétales en décomposition, et mêlée d’une certaine quantité de tourbe et de sable fin. D’autres, tels que M. Bay’swater, emploient un mélange de tourbe, de terre normale sablonneuse, et d’une certaine quantité de fumier réduit à l’état de terreau. Quelques-uns, enfin, tels que M. Henderson, Écossais, très renommé pour sa superbe collection de Camellia, se servent d’un mélange de terre légère, de sable de rivière très fin, et de terreau de feuilles bien décomposées. En Italie, on emploie la terre des saules, celle des châtaigniers sauvages, sans mélange, ou la terre des forêts mêlée avec un terreau de feuilles décomposées. A Venise, M. Louis Berlèse ne se sert que de la terre des saules, sans aucune sorte de mélange, et néanmoins ses Camellia offrent une admirable végétation. A Milan, ou l’on manque également de terre de bruyères, on adopte avec succès une certaine terre franche, maigre et lé gère, qu’on tire des plaines du Piémont, et où croissent de petits végétaux communs, des broussailles, tels que bruyères, genets, petits saules, etc. Pour la rendre plus substantielle, on la même avec de la terre de châtaigniers sauvages; compost dans lequel les Camellia puisent une vigoureuse et saine végétation.
A Florence, où la culture de ces arbrisseaux a pris une extension presque générale, on se sert d’un compost dont la base principale est la terre de châtaigniers sauvages, le sable de rivière, et des engrais animaux. Il y a même dans ce pays plusieurs habiles horticulteurs qui emploient sans mélange la terre des châtaigniers, et ce procédé est depuis peu presque généralement adopté, en raison de ce que les résultats en sont très satisfaisants.
Lorsqu’enfin on est obligé de ménager la terre de bruyères, on peut se servir d’un mélange végétal facile à préparer, et à la portée de tout le monde. Ce mélange n’est autre chose que les dépouilles de végétaux qu’on rassemble en tas, et dont on hâte la décomposition en les mettant en contact avec quelques substances animales. Les balayures de cuisine, les mauvaises herbes, le bois, la sciure, le tan épuisé, la fane des pommes de terre, et en général tous les débris des végétaux qu’on retire des jardins ou des champs, et qui par la combustion donnent beaucoup de potasse, peuvent être convertis en bonne terre végétale et servir de mélange avec celle de bruyères.
En outre, la vase ou limon qu’on trouve dans les bas-fonds, sous l’eau des étangs et des mares, doit être également rangée dans la classe des engrais végétaux : car, quoique ce terreau soit quelquefois mêlé de substances animales, substances qui en augmentent la qualité, et qu’il contient de plus une grande proportion des sels dont les sols voisins sont com posés, cependant les substances végétales y dominent, et toutes ces substances, mélangées avec la terre de bruyères, même d’une qualité inférieure, forment un compost très avantageux pour les Camellia.
Il est plusieurs moyens de ramasser la vase ou le terreau des endroits où les eaux séjournent. Le plus commun et le moins dispendieux est de mettre à sec par des tranchées l’étang, la mare, le bassin, le fossé, enfin tout endroit, tout lien submerge, et d’en enlever la superficie à la bèche ou à la pelle, selon les circonstances de dureté ou de mollesse. Aussitôt ex traite, on met cette vase en petits tas, afin qu’elle sèche plus vite et qu’elle présente une plus grande surface aux influences atmosphériques ; mais, si elle contient beaucoup de végétaux non encore décomposés, comme de la mousse ou des plantes aquatiques, lorsqu’elle est à peu près sèche on en fait des buttes un peu élevées, afin qu’elle s’échauffe et entre en fermentation. A l’effet d’achever la décomposition de ces végétaux, on en accélère la putréfaction en y mêlant un pou do chaux calcinée. Aussitôt que le tout est complètement décomposé, on le réduit en poudre, et on le met de nouveau en tas, mais à l’abri des pluies, et cependant à l’air libre, ou on le laisse deux ans environ avant de s’en servir. Ensuite on l’emploie mélangé en parties égales avec la terre de bruyères, ou même avec du sable de bois ou de rivière. Ce compost, convenablement établi, convient parfaitement à la culture du Camellia.
Nous concluons donc de tous ces faits que le Camellia peut se passer de terre de bruyères pure proprement dite, et qu’il peut végéter vigoureusement dans toute terre normale et légère si la silice y domine unie à une certaine quantité d’humus végétal provenant des détritus des forêts. Quelle que soit enfin la terre qu’on donne au Camellia, il faut, avant de s’en servir, qu’elle ait été soigneusement préparée, et dépouillée de tous corps étrangers et inutiles, tels que pierres, cailloux et morceaux de bois. Si c’est de la terre naturelle de bruyères qu’on emploie, on se gardera bien d’imiter l’impéritie de certains jardiniers qui, avant de s’en servir, la passent au crible fin, et par cette opération irraisonnée la privent d’abord d’une quantité de petites racines et de petites branches destinées à se décomposer lentement et à entretenir longtemps par leurs détritus successifs la nourriture de la plante; et, de plus, l’obligent par ce traitement à sécher facilement dans les pots ou à retenir trop longtemps l’humidité : inconvénients graves, qui doivent être soigneusement évités.
Avant d’employer la terre de bruyères pour les rempotages, il est bon d’en briser les grosses mottes à coups de pioche, de maillet, ou, mieux encore, à l’aide d’un petit fléau ; on la jette ensuite sur une claie inclinée, à travers laquelle la terre passe, et au pied de laquelle tombent les racines et les pierres. S’il y a de petites mottes entières, on les brise de nouveau, ou on les écrase en les roulant entre les doigts. La terre ainsi préparée peut être employée de suite. Les restes ne sont pas perdus. On met en tas les grosses racines, les gros gazons, et les tiges de bruyères ; on les couvre, et deux ou trois ans après on les repasse à la claie, et on en obtient une nouvelle terre de bruyères souvent meilleure que la première pour les semis, parce qu’elle contient plus de terreau. On ne doit passer au crible que la terre qu’on destine aux boutures, aux marcottes et aux semis.
Aux praticiens qui nous demandent s’il vaut mieux employer la terre de bruyères aussitôt qu’on l’a extraite des bois, ou la laisser reposer plus ou moins longtemps en tas et à l’air libre avant de s’en servir, nous répondons que l’expérience nous a déterminé à préférer le premier parti, parce que, les pluies, les gelées, les vents, enfin toutes les influences de l’air libre, n’ayant pas encore exercé sur elle tout leur pouvoir désorganisateur, toutes les parties organiques sont restées intactes, et, en se décomposant alors successivement dans les pots, ces corps communiquent aux végétaux vivants une nourriture substantielle et constante, tan dis que la terre exposée longtemps à toutes les intempéries atmosphériques se trouve sou mise à une décomposition prématurée, c’est-à-dire à la perte de la plupart de l’humus végétal qu’elle contenait ; qu’en conséquence cette terre ne peut avoir que peu de durée, et ne remplit qu’imparfaitement le but que se propose le cultivateur, la santé et la vigueur de ses Camellia.
Telles sont les causes qui nous font préférer le premier moyen.
Des rempotages, et de l'époque à laquelle on doit faire cette opération.
Le Camellia dont les racines sont resserrées entre les étroites parois d’un vase quelconque consomme au bout d’un certain temps les principes nutritifs de la terre dans laquelle il est planté, et d’autant plus promptement que cette terre est moins chargée d’éléments substantiels : il faut donc alors lui en donner de nouvelle. On reconnait qu’un Camellia en pot souffre par le défaut de nourriture lorsque ses pousses printanières sont faibles, étiolées, que ses boutons tombent ou que ses fleurs avortent, enfin quand ses racines traversent le trou du fond du vase qui les contient.
Mais à quelle époque doit-on rempoter le Camellia ? Nous répondrons d’abord que l’époque du rempotage du Camellia varie selon l’étendue de l’opération qu’on se propose de faire à ce sujet.
Si c’est un rempotage entier sans toucher les racines, ce qui veut dire le simple changement d’un petit vase en un plus grand, cette opération peut avoir lieu en toute saison : car, les racines n’éprouvant pas de dérangement, on n’a rien à craindre pour la santé de la plante ; elle peut même, dans ce cas, et aussitôt après le changement, être remise à l’air libre et à sa place ordinaire sans qu’elle en éprouve la moindre altération. Mais si le rempotage se fait selon les règles générales prescrites par l’art du jardinage, c’est-à-dire si l’on secoue la terre des racines, si on en diminue la motte, etc., alors il n’y a plus que deux époques auxquelles on puisse pratiquer cette opération sans crainte : c’est 1° aussitôt après la floraison, et avant que la sève commence à se remettre en activité, ce qui arrive à peu près à la fin de mars ; 2° en automne, lorsque la sève cesse de circuler activement, et que la plante a repris son état de repos ou d’inertie apparente. Le rempotage peut encore se faire entre les deux sèves, c’est-à-dire en juin et juillet; mais alors ce n’est qu’accidentellement, et pour corriger quelque défaut spécial de la plante.
Dans quelque saison que ce soit, le rempotage se fait en transplantant l’arbrisseau dans de nouveaux vases ordinairement de 3 centimètres environ plus larges et plus profonds que les anciens. On saisit, pour effectuer opportunément cette transplantation, le moment où la motte de la plante est un peu sèche : alors on la tire du pot ; on détache légèrement avec les doigts, et autant que possible , l’ancienne terre autour de la motte ; on en extirpe avec pré caution les racines mortes ou gâtées ; on replace ensuite la plante dans un vase quelconque, proportionné à sa force; et, comme l’écoulement de l’eau des arrosements est un des points les plus importants pour la santé future du végétal, il est essentiel que le fond du pot soit d’abord garni de plusieurs tessons, ou mieux de 4 à 5 millimètres de gros sable de rivière ou gravier, qui empêche l’eau d’y séjourner; on procède ensuite selon la coutume des rempotages ordinaires.
On se gardera bien de ne mettre au fond du pot qu’un seul tesson, et å plat, comme on le faisait autrefois. Cette manière de faire est pernicieuse, en ce que ce corps, appliqué sur le fond du pot, en bouche hermétiquement le trou ; les eaux des pluies et des arrosements, y séjournant alors trop longtemps, en décomposent la terre : la plante en éprouve bientôt un malaise dont la conséquence est souvent la mort, amenée par la carie des racines.
Nous n’ajouterons rien à ce que nous avons dit sur la terre des rempotages; nous ferons seulement connaitre aux amateurs l’habitude que nous avons de saupoudrer très légèrement de chaux vive celle que nous destinons à nos Camellia. Une longue expérience nous a en effet prouvé que ce corps minéral, sagement employé, active singulièrement les facultés végétatives de la terre dans laquelle il est incorporé.
Il arrive quelquefois que la motte d’un Camellia, par suite de nombreux rempotages, a acquis de telles dimensions, qu’il est essentiel de la diminuer pour pouvoir la loger dans un vase convenable. Cette opération est utile, mais elle ne doit être pratique que lorsque la sève est en repos ; c’est-à-dire soit avant la première pousse, entre février et mars, soit à la fin de la seconde, à la mi-octobre. A cette époque, on peut, par un temps sec, eu secouant la terre, mettre les racines à nu s’il le faut, en retrancher même quelques-unes, placer ensuite la plante dans une caisse plus petite que celle où elle était, mais en lui donnant une terre nouvelle. La plante ainsi traitée doit être, par précaution, placée à l’ombre pendant quelques jours : elle reprendra bientôt sa première vigueur, et développera des boutons au printemps suivant.
Nous n’insisterons pas sur la dimension des pots qu’il faut donner an Camellia ; on sentira que c’est la une affaire de goût et d’expérience ; mais nous devons répondre à une assertion peu fondée qui se représente souvent. Quelques horticulteurs prétendent que cette plante, pour bien fleurir, demande à être gênée dans son vase ; ces praticiens tombent, à cet égard, dans une erreur d’autant plus facile à réfuter, que les succès de ceux qui les cultivent, soit en grands vases, soit en caisses, ou même en pleine terre, sont plus nombreux et plus faciles à vérifier. Deux seules raisons principales déterminent nos jardiniers commerçants à élever le Camellia dans de petits pots : la première, parce qu’ils y trouvent économie de place dans les serres, économie de terre dans les rempotages, plus de facilité dans le maniement des plantes ; la seconde, parce que, forcés dans les établissements de confier les arrosements à des mains souvent novices et malhabiles qui versent l’eau sans discrétion, par cela même ils éprouveraient de grandes pertes. En effet, les grands vases, conservant leur humidité beaucoup plus longtemps que les petits, se trouveraient bientôt veufs de leurs végétaux, chez lesquels l’effet d’une trop grande quantité d’eau causerait ce que cause , par une comparaison toute naturelle, une trop grande quantité d’aliments sur le corps humain, nous voulons dire une véritable indigestion accident qui tuerait bientôt le Camellia, après en avoir altéré et pourri les racines, nageant dans une humidité trop dense, qu’elles ne peuvent plus absorber. Mais comme avec un peu d’habileté l’on peut éviter tous ces inconvénients, nul doute, et cela résulte des faits, nul doute, disons-nous, que le Camellia ne réussisse mieux dans un vase ou ses racines peuvent s’étendre à leur aise que dans un pot étroit, où elles se trouveront gênées et dans la nécessité de se replier sur elles-mêmes.
Quels sont les meilleurs vases pour le Camellia.
Tous les pots ne sont pas également favorables au développement du Camellia, et nous pensons qu’il n’est pas inopportun de faire connaitre les différences qui font distinguer un bon pot d’un mauvais. Les pots qui n’ont pas subi une cuisson assez complète, qui ne rendent pas un son clair quand on les frappe légèrement, qui ont une couleur blanchâtre, qui se raient facilement sous l’ongle, dont les dimensions sont inégales et irrégulières, le trou d’écoulement mal formé, etc., ne valent rien pour y élever les Camellia. Les meilleurs sont donc ceux qui possèdent les qualités contraires, c’est-à-dire ceux qui sont bien cuits, dues et sonores, rouges ou noirâtres, même un peu vitrifiés à leur surface, d’un quart plus longs qu’ils ne sont larges dans leur plus grand diamètre, et d’un cinquième plus étroits par le bas que par le haut, pour faciliter le dépotage et l’écoulement des eaux : c’est dans ces pots que les racines multiples du Camellia peuvent s’étendre à leur aise, y trouver suffisamment la nourriture qui leur con vient, ainsi que la conservation de cette humidité modérée qui leur est nécessaire.
Nous avons remarqué que les pots belges et italiens, surtout ceux de Florence, méritent la préférence sur ceux de Paris, sous le double rapport des formes et de la qualité de la terre dont ils sont fabriqués. Outre la cuisson, qui est plus parfaite que celle de ces derniers, les premiers offrent un avantage réel, en ce que leur fond intérieur est plus élevé que le fond extérieur, et que par cette raison, no posant pas directement sur le sol ou sur la tablette, les eaux surabondantes peuvent s’en échapper facilement ; en second lieu, ces pots étant élevés sur une espèce de socle qui les isole de la terre, les vers (lombrics) ne peuvent s’y introduire.
Ce sujet nous amène tout naturellement à avertir les amateurs, et surtout les dames, que certains pots ou vases amis dans les salons ou dans les jardins à cause de l’élégance de leurs formes, tels que certains pots de grès, de faïence, de porcelaine, de fonte, de plomb, de marbre, etc., sont très défavorables à la santé du Camellia. Les premiers, outre qu’ils sont trop froids, ne sont pas troués : l’eau des arrosements s’y corrompt et pourrit bientôt les racines des plantes qu’on y conserve ; les derniers sont surtout nuisibles, à cause de l’oxydation du métal ; oxydation mortelle pour la plus grande partie des végétaux.
Le Camellia se trouve-t-il mieux dans une caisse en bois que dans un pot de terre ?
Nous sommes convaincu, par les résultats heureux que nous obtenons depuis longtemps, que les caisses sont préférables aux pots ; et en voici les raisons :
1° Le bois des caisses se met aisément au niveau de la température de l’air ambiant ; en conséquence, la caisse conserve plus longtemps la douce humidité qui convient à la santé du Camellia ;
2° Le hâle, si fatal aux plantes, y exerce avec plus de difficulté sa désastreuse action ;
2° Le hâle, si fatal aux plantes, y exerce avec plus de difficulté sa désastreuse action ;
3° L’isolement de la caisse, produit par les pieds sur lesquels elle pose, empêche les vers de terre de s’y introduire;
4° Enfin les caisses offrent un coup d’œil uniforme et plus agréable que celui des pots.
Nous ne saurions, sur ce sujet, ajouter d’autres raisons que celles que nous accordent l’expérience et la comparaison. Chacun, en effet, en entrant dans nos serres, admire l’état vigoureux de nos Camellia ; chacun s’aperçoit de la différence qui existe entre ceux qui sont en caisses et ceux qui sont en pots; et, si l’on veut savoir à cet égard notre manière d’opérer, nous dirons que nous commençons par mettre dans des caisses de 13 à 14 centimètres des plantes qui ont environ un demi-mètre d’élévation ; que nous les y gardons pendant trois années consécutives: que tous les ans, au printemps, nous enlevons la terre de la surface sur une épaisseur de deux doigts environ, terre que nous remplaçons par autant de nouvelle: que, la quatrième année, nous les sortons des caisses, et qu’après les avoir débarrassées autant que possible de l’ancienne terre, en suivant la méthode indiquée dans l’article précédent, nous les mettons dans d’autres caisses de quelques centimètres plus larges que les anciennes, et ainsi de suite, enfin, que quelquefois, même après en avoir secoué fortement et mis presque à nu les mottes, nous remettons nos plantes dans les mêmes caisses, en ayant toujours soin de leur donner une terre nouvelle et aussi substantielle que possible.
Aussitôt que le Camellia est rencaissé ou rempoté, il est important de l’arroser abondamment, et même sur les feuilles, avec une pomme fine d’arrosoir, ou mieux encore avec la seringue, et de le remplacer ensuite dans la serre (lorsque toutefois cette opération a eu lieu aussitôt après la floraison), dont la température doit être de 10 à 15 degrés centigrades au dessus de zéro, le jour, et 10 à 12 la nuit : car, dans l’autre cas, il suffirait, après l’avoir arrosé, de le placer à l’ombre pendant quelques jours. Une plus forte chaleur dans la serre, à l’époque du rempotement, lui ferait émettre de longues pousses étiolées. La chaleur du soleil augmentant d’intensité chaque jour, il est indispensable alors de couvrir les serres de toiles claires ou de légers paillassons pendant tout le temps que les rayons du soleil en frappent les vitraux : car, sans cette précaution, les jeunes pousses et les feuilles seraient brûlées ou maculées.
Camellia Aitonia
Le Camellia aitonia est un arbrisseau rustique, et d’une culture très facile. La tige en est ordinairement droite, les branches allongées, très ramifiées ; les rameaux de l’année nombreux. Les feuilles ont plus de 9 centimètres de long sur 7 de large, et acquièrent souvent même de plus grandes dimensions. Elles sont ovales-oblongues, assez rapportées, épaisses, peu acuminées ; le sommet en est légèrement oblique ; les unes horizontales, les autres inclinées vers la terre ; toutes luisantes, régulièrement dentées, distinctement nervées, et d’un vert très foncé.
Les boutons sont gros, ovales-acuminés, rapprochés, nombreux, indistinctement placés dans l’enfourchure des jeunes branches of en tête des rameaux. Les écailles calicinales en sont presque toujours verdâtres.
Les fleurs sont très amples, ayant de 11 à 12 centimètres de diamètre ; dimension qui varie selon que la plante est plus ou moins chargée de boutons. La couleur en est d’un rose pâle en hiver, et d’un rouge-cerise très brillant quand elle ne se développe qu’au printemps, la corolle, composée de six à sept pétales, est tantôt déprimée, tantôt cucullée. Dans le premier cas, les pétales se recourbent en dessous, offrant à propres la forme d’une coquille renversée : dans le second, la corolle est moins ample et plus gracieuse.
Les pétales ont souvent plus de 4 centimètres de large et plus des de long. Ils sont épais, vernissés, très distinctement veinés dans leur longueur : la forme en est ovale-arrondie, très rétrécie à l’onglet, et fortement marginée au limbe. On admire au milieu de la corolle un large faisceau d’étamines dont les artères, gonflées, sont supportées par de longs filets, témoignant de leur exubérante fécondité. Au centre de ce faisceau d’organes meubles, le pistil, qui les dépasse en hauteur, se fait remarquer par sa structure, plus parfaite que dans la plupart des autres variétés.
La fleur du Camellia aitonia est sans contredit celle qui mérite la première place parmi les fleurs simples unicolores-rouges Lorsque plusieurs boutons s’épanouissent à la fois sur le même arbrisseau, ce qui arrive fort souvent au printemps, cette plante produit véritablement un effet admirable.
Fruit du Camellia Aitonia
Quelques horticulteurs nous ayant engagé à faire paraitre dans cet ouvrage le fruit du Camellia, nous leurs offrons ici pour satisfaire ce juste désir, la figure exacte de fruit du Camellia aitonia, en l’accompagnant de quelques notions spatiales qui ne seront pas entièrement, nous l’espérons du moins, privées d’intérêt pour ceux qui n’étant pas initiés au mystère de la fructification de la fructification de ce beau végétal, voudraient en tirer parti.
Indépendamment de l’élégante fleur que nous donne le Camellia aitonia, cette variété, originaire d’Europe, comme on le sait, a le mérite presque exclusif de fructifier plus abondamment et plus facilement qu’aucune autre de ses congénères. Tout individu jeune ou âgé de ce Camellia, s’il est bien soigné et bien portant, fructifie généralement tous les ans. Les fruits en sont gros, sphériques, et colorés d’abord en vert rougeâtre, qui se change plus tard en une teinte de rouille. Lorsqu’ils sont près de leur maturité, ce qui arrive à Paris vers la fin du mois d’octobre, et beaucoup plus tôt dans les pays méridionaux, ils offrent beaucoup de ressemblance avec une pomme d’api. Leur maturité s’annonce par l’ouverture du péricarpe, qui s’ouvre alors naturellement dans sa partie inférieure ; si le soleil les frappe dans cette conjoncture, les noix s’en détachent tout à coup, tombent, et deviennent la proie des souris, qui en sont très friandes, si on n’a le soin de les ramasser. En conséquence, il est prudent de les cueillir aussitôt qu’elles sont mûres et de les semer le plus tôt possible, en se conformant aux instructions détaillées que nous avons données dans un article sur la fructification du Camellia.
Le Camellia aitonia est une plante intéressante, précieuse même, dans les climats du nord, où si peu de variétés peuvent mener à bonne fin leur fructification. Entre les mains d’un habile praticien, ce Camellia peut devenir une nouvelle source de variétés méritantes, les organes sexuels de sa fleur se prêtant volontiers à une fécondation hybride On sait qu’il faut, pour acquérir des monstruosités rares, empêcher ces organes d’agir mutuellement sur eux-mêmes ; ce qu’on obtient facilement en soumettant la fleur à l’opération de la castration, et en la fécondant ensuite artificiellement selon les principes indiqués. Il faut seulement savoir saisir le moment opportun d’amputer les étamines : opération qui doit être faite avec une adresse minutieuse, afin d’empêcher I’action du pollen légitime sur le pistil. A cet effet, la castration se fera aussitôt qu’on verra les fleurs s’entr’ouvrir, et le matin de très bonne heure, parce qu’en retranchant alors les étamines dont on veut annuler l’effet, on peut les agiter impunément l’humidité de la nuit, ou plutôt l’immaturité du pollen, le rendant moins prompt à remplir l’office que La nature lui a dévolu.
IV.- De l'arrosement et de l'eau convenable à cette opération.
Avant de parler de l’arrosement, il est essentiel de présenter ici quelques notions générales sur la nutrition des plantes, ainsi que sur les principaux éléments nourriciers qui concourent à cette importante fonction. Tout le monde sait que les végétaux ont la faculté de s’emparer de certaines substances extérieures et de les transformer en la leur propre ; c’est cette faculté qu’on appelle nutrition. Les plantes soumises aux analyses chimiques donnent pour premier résultat du soufre, de la silice, de l’alumine, des oxydes de fer et de manganèse, de l’hydriodate de potasse ; des sous-phosphates de chaux, de potasse et de magnésie; des sulfates de potasse, de soude, de magnésie, de chaux et d’ammoniaque; quelques sous-carbonates produits par la combinaison d’acides végétaux unis à la chaux, à la potasse, etc. ; et, pour dernier résultat, ces plantes, soumises au même genre d’analyse, donnent du carbone, de l’oxygène, de l’hydrogène et de l’azote.
Tous ces matériaux leur sont fournis par la terre, l’air et l’eau. Nous avons dit plus haut que la terre ne fournit aux plantes qu’une nourriture à l’état de dissolution aqueuse ; l’air leur fournit de l’hydrogène et de l’azote en petite quantité, et une grande abondance de gaz acide carbonique. L’oxygène de l’air s’unit au carbone de la plante, et produit ainsi du gaz acide carbonique, lequel est décomposé et fixé par la lumière. L’eau tient en dissolution une certaine quantité de sels, de matières terreuses, animales et végétales, qui sont absorbées par les racines, et charriées par la sève dans le tissu organique de la plante, qui s’en assimile une partie, et dont l’autre s’échappe par la transpiration.
Les plantes se nourrissent par succion et par absorption. L’absorption se fait par toutes les parties, mais surtout par les feuilles et l’épiderme. La succion s’opère avec une force extrême par les racines, et les fluides terreux absorbés par ces parties sont charriés dans tout le végétal par les gros vaisseaux en bois, et principalement par ceux qui sont le plus près de l’étui médullaire, et, au moyen des rayons de ces vaisseaux, ils se répandent du centre à la circonférence.
Toute cette théorie physiologique, tirée de nos grands maîtres, et fondée sur l’anatomie la plus rationnelle, nous amène tout naturellement à connaitre d’une manière positive l’action de l’eau sur la végétation, elle nous apprend que l’eau, étant un composé de 15 parties d’hydrogène et de 85 d’oxygène, pourrait, même dans son état de plus grande pureté, fournir des aliments à la végétation. Aussi des expériences ont-elles prouvé qu’une graine pourrait germer, se développer, et prendre un certain degré d’accroissement dans l’eau distillée. Seulement alors la plante s’étiole promptement, parce qu’elle manque de carbone, et par conséquent de solidité.
Par la décomposition, les végétaux offrent encore des sols terreux dont les espèces les plus solubles dans l’eau sont aussi les plus abondantes. Nous concluons de cela : 1 que la meilleure eau pour les arrosements est celle qui contient le plus de ces sels, principes de nutrition, surtout quand cette eau se trouve mêlée à des détritus animaux et végétaux, qui lui fournissent une certaine quantité de carbone et d’azote (Il arrive cependant que, lorsque ces deux gaz sont trop abondants, ils peuvent devenir nuisibles si l’on en fait un emploi immodéré.) ; 2° que les eaux chargées de matières insolubles nuisent la végétation en obstruant les vaisseaux absorbants, et en paralysant ainsi leur faculté de transmission.
Ces principes établis, nous passons à leur application en démontrant quelles sont les eaux convenables ou nuisibles à la plante qui forme l’objet de nos recherches.
Les eaux de pluie, approchant jusqu’à un certain point de l’état de pureté, conviennent à la santé du Camellia. N’étant point encore saturées de principes alcalins, elles ont la propriété de dissoudre plus facilement les sels terreux propres à pénétrer dans le tissu de la plante.
Les eaux de fontaine, de puits, quand elles sont séléniteuses ou calcaires, les eaux même de rivière, qui, dans leur cours, se chargent de divers sels, si ceux-ci ne sont pas dissous par l’action du soleil, sous l’influence duquel elles doivent rester au moins vingt-quatre heures, sont nuisibles à la végétation du Camellia.
Les meilleures eaux pour le Camellia sont celles des mares exposées continuellement à l’influence du soleil et de l’air. Ces eaux, qui contiennent en abondance des principes de nutrition, parce qu’elles continent ordinairement des détritus de corps animaux et végétaux qui leur fournissent une certaine quantité de carbone et d’azote, agissent d’une manière merveilleuse sur les racines du Camellia, mais ces eaux ne doivent être employées que l’été et quand l’arbuste est exposé en plein air : pendant l’hiver, et dans la serre, on arrosera le Camellia avec de l’eau sans mélange, et qui aura séjourné quelques jours dans un vase place dans un coin de la serre même. On nous objectera peut-être qu’un trop long séjour dans le vase peut corrompre cette eau et lui communiquer une odeur fétide, et que dans cet état elle peut être nuisible aux végétaux. Nous ne nions pas cet inconvénient, mais nous affirmons qu’elle ne s’oppose pas à leur santé : car, n’ayant perdu aucune de ses qualités nourricières, et ayant augmenté par la fermentation celles qu’elle possédait, elle n’en sera que meilleure. Elle ne conviendrait peut-être pas aux plantes à racines délicates, telles qu’aux Bruyères du Cap, aux Rhododendrum, aux Azalées, aux Protéines ; mais pour le Camellia, qui est donc d’une constitution robuste, une telle eau est excellente.
Il arrive quelquefois que les Camellia ont un aspect languissant et malade, soit qu’ils aient en une floraison trop abondante qui les ait puisés, soit qu’on les ait gardés trop longtemps dans les appartements, soit enfin par toute autre cause d’appauvrissement dans leur système organique. Dans cette conjoncture, ces Camellia doivent dire soumis à un traitement particulier que nous indiquerons plus bas, et doivent être arrosés avec une eau spéciale composte artificiellement, capable de ruiner leurs principes vitaux, et dont voici la recette :
Dans un tonneau de la contenance d’environ 1,200 litres, on placera :
1° Un double décalitre de fumier de mouton,
2° Une même quantité de poudrette,
3° Une même quantité de colombine,
4° Quelques litres de vin et quelques kilogrammes de feuilles mortes.
On remplit ensuite ce tonneau d’eau de pluie, ou, mieux encore, avec de l’eau de mare, de fossé ou d’étang ; on laisse fermenter à l’air libre toutes ces matières pendant six semaines environ. Au bout de ce temps, on peut se servir de cette eau, laquelle, employée avec ménagement, avec intelligence, et toujours lorsque les plantes sont l’air libre, produit sur elles des effets merveilleux.
De la manière dont on doit pratiquer les arrosements.
S’il est de principe, en horticulture, que les végétaux exotiques à feuilles persistantes qui dans nos serres, se trouvent un état de végétation presque non interrompue, et plus ou moins active selon le milieu où ils se trouvent, ont besoin, même en hiver, d’un certain degré d’humidité et de chaleur suffisant pour fournir à l’alimentation des feuilles et des racines, il n’en est pas ainsi des plantes exotiques à feuilles caduques. Ces plantes, tout le temps qu’elles sont en repos, n’ont presque besoin d’aucun arrosement. Le Camellia étant donc un végétal à feuilles persistantes, aime une humidité presque constante, et surtout en été; les fréquents arrosements qu’on lui donne dans les jours brûlants de cette saison contribuent puissamment à rani mer et à soutenir sa belle végétation. Mais la seconde pousse terminée, lorsque son nouveau bois est tout à fait aoûté, comme disent les jardiniers, c’est-à-dire à peu près vers le milieu du mois d’août, lorsque les boutons sont formés, alors, à partir de cette époque jusqu’à la floraison prochaine, la distribution des arrosements devient difficile et demande beaucoup d’attention : car c’est en grande partie de ce soin bien dirigé que dépend la santé de la plante. Trop ou trop peu d’humidité produisent les mêmes inconvénients : les racines sèchent ou pourrissent ; toute la plante languit ; les feuilles et les moutons se flétrissent et tombent ; et enfin la plante meurt. La première étude est donc de savoir saisir un juste milieu entre l’humidité et la sécheresse, surtout pendant tout le temps que le Camellia doit rester enfermé dans la serre.
Mais quel est donc, entre ces deux extrêmes, le juste milieu qui convient au Camellia ? Quelle est la quantité d’eau qu’il demande ? A quelle heure du jour doit-on la lui donner ?
Enfin, quelle est l’eau qui lui est la plus propice ? Toutes ces questions sont d’une grande importance et très faciles à résoudre. Nous avons dit qu’en général le Camellia aime une humidité presque constante ; mais cela ne veut pas dire qu’on doive lui donner à la fois une grande quantité d’eau ; il est essentiel, seulement, de réitérer souvent les arrosements, afin d’entretenir toujours la terre dans un degré d’humidité suffisant pour maintenir la fermentation, mais pas assez dense pour la rendre nulle ; ce qui arriverait indubitablement si l’eau était versée avez trop d’abondance. Quant aux heures du jour les plus favorables pour arroser le Camellia, nous dirons qu’elles sont subordonnées aux saisons, et surtout à l’état de la température extérieure.
En hiver, ou les jours sont comptés, où les rayons obliques du soleil n’échauffent que faiblement les pots renfermés dans la serre, dans laquelle l’air est chargé de vapeurs humides, il faut user de beaucoup de précautions pour que cet excès d’humidité ne vienne pas nuire aux Camellia. En effet, cette plante, ne végétant que peu pendant celle saison, trouve dans l’humidité atmosphérique de la serre non seulement la quantité d’eau nécessaire alors à sa lente végétation, mais encore les gaz aériformes, base en partie de sa nourriture. En hiver donc, c’est-à-dire du 15 novembre au 1er mars, soit que les pâles et faibles rayons d’un rare soleil viennent réjouir la nature attristée, soit qu’elle en reste privée longtemps, comme cela arrive ordinairement, il faut, dans ces courtes journées, arroser le Camellia entre neuf et dix heures du matin, afin que la terre ait le temps de se réchauffer pendant le reste du jour, en permettant l’évaporation d’une partie de son humidité. Si on l’arrosait le soir, la fraîcheur de la nuit, se joignant à celle de l’eau, arrête la marche de la sève ; aucune évaporation n’aurait lieu, et la chute des boutons pourrait être la conséquence d’une opération si intempestive. En été, au contraire, lorsque le Camélia est en plein air, on arroser le soir, parce que l’eau contribuera à entretenir la fraîcheur de la terre pendant la nuit, et la plante, baignée dans cet humide milieu, réparera les effets absorbants de la chaleur du jour.
Au printemps, le soleil, montant de plus en plus sur l’horizon, acquiert chaque jour plus de force ; Les jours deviennent plus longs, le ciel plus serein ; la terre des pots entre alors en une sorte de fermentation, et le Camellia, grâce à ces stimulants, commence à montrer des dispositions à végéter. C’est alors qu’il convient de seconder la nature par des arrosements Sagement administrés : il faut dans cette saison les répéter plus souvent qu’en hiver, et les faire moins copieux à la fois. L’eau versée trop abondamment refroidirait la terre ; versée de même avec une main avare, elle ne fournit pas le véhicule indispensable aux sels terreux dont dépend une vigoureuse végétation. Dans cette saison enfin, c’est-à-dire du 1er mars au 1er avril, les arrosements doivent avoir eu le matin, une heure après le lever du soleil ; et du 1er avril jusqu’à la sortie de la serre, on arrosera à quatre ou cinq heures du soir. Si la saison est propice et chaude, on les mouillera aussi sur les feuilles pour les laver et leur rendre toute la puissance d’aspiration que la poussière aura pu diminuer ou même annuler ; et lorsque les journées sont constamment chaudes, il sera utile de répéter cette opération tous les deux jours, comme nous le dirons plus bas
En été. Nous entendons par ce mot la saison où le Camellia est sorti en plein air, c’est-à dire la fin de juin. A cette époque, les plantes ont achevé leur première pousse ; les feuilles nouvelles sont arrivées à leurs dimensions naturelles ; leurs organes pompent dans l’atmosphère une partie de leur nourriture, et ajoutent ainsi un nouveau moyen de subvenir à l’existence de la plante. Toutefois, malgré cette augmentation de moyens d’alimentation, la terre étant desséchée par un soleil dévorant, l’air devenant plus sec, les pluies moins fréquentes et de plus courte durée, le besoin d’eau se fait alors sentir avec plus d’exigence que dans toute autre saison : des arrosements copieux sont donc devenus indispensables, et leur abondance contribue singulièrement à ranimer la végétation des Camellia. Ainsi donc, en été, on arroser ces plantes tous les jours, et même deux fois par jour s’il le faut, dans les temps extrêmement secs et chauds, c’est-à-dire le matin de bonne heure, et le soir après le coucher du soleil. Nous disons le matin de bonne heure et le soir après le coucher du soleil, et voici les motifs de cette assertion : au premier abord, on pourrait penser que c’est à l’époque où les Camellia éprouvent leur plus grande transpiration, c’est-à-dire pendant la grande chaleur, qu’il est le plus nécessaire de leur donner de l’eau pour les aider à réparer les pertes aqueuses que leur occasionne l’aspiration du soleil. Mais, ici, l’expérience se joint au raisonnement pour démontrer que rien ne leur est plus préjudiciable.
En effet, la sève du Camellia, alors vivement en action, se trouverait, selon les lois de la raréfaction, par l’effet de l’eau, et surtout d’une eau trop fraîche, amenée brusquement à l’état de condensation, et la nature, ainsi contrariée dans sa marche, ferait éprouver aux vaisseaux séveux de la plante une espèce de contraction toujours dangereuse et souvent même mortelle, Mais quand l’astre brûlant du jour a parcouru sa carrière, quand les vapeurs qu’il a pompées commencent à retomber en rosée et à rafraîchir l’atmosphère, c’est alors que les arrosements doivent commencer et peuvent être prolongés sans danger jusqu’à ce que le soleil se soit de nouveau assez élevé sur l’horizon pour faire sentir l’effet ardent de ses rayons.
Les amateurs, pour éviter les effets funestes des grandes chaleurs de l’été, doivent encore prendre d’autres précautions également importantes. Quoique l’une d’elles se rapporte à l’empotage, il nous parait cependant utile de la faire connaitre à la suite des arrosements
Lorsqu’on empote un Camellia, il faut surtout prendre garde de ne pas emplir de terre le pot jusqu’aux bords ; il est bon de laisser à sa surface supérieure un certain espace vide pour contenir l’eau des arrosements. On est certain alors que l’eau administrée suffira jusqu’au lendemain aux besoins de la plante. En agissant autrement, la superficie de la terre, battue par les arrosements, se durcit de manière à ce que l’eau n’y puisse pas pénétrer et se répande en pure perte, ou du moins à ce qu’il n’y ait que la superficie de la terre qui soit mouillée, tandis que le reste, et principalement le fond, où sont les racines, reste entièrement sec. La motte, ainsi desséchée, diminue de volume et se détache des parois du pot ; l’eau pénètre par ces intervalles, et sort par le trou du fond sans avoir imbibé les racines. Dans ces conjonctures, le Camellia, loin de soutenir sa verdoyante végétation, commence à languir et à changer de couleur. L’amateur, qui s’est aperçu de l’état maladif de ses plantes, appelle son jardinier et le lui fait observer. Le jardinier lui répond que ce n’est pas de sa faute, qu’il arrose tous les jours, et même en abondance, ou fait toute autre réponse aussi banale. Pour prévenir des résultats toujours si préjudiciables et quelquefois même mortels, il faut de temps en temps retourner le dessus de la terre des vases (opération que les praticiens appellent béquiller), la diviser avec un petit bâton, et même couvrir le vase d’un petit lit de mousse. Au besoin, le jardinier chargé des arrosements doit prendre une infinité de précautions ; comme, par exemple, de se courber pour répandre l’eau
le plus bas et le plus près possible des plantes, surtout lorsqu’elles sont dans de petits pots. Il vaut mieux recommencer à plusieurs reprises en versant peu d’eau à la fois et avec un petit goulot, que de la répandre par torrents avec un arrosoir à grand goulot. En général, on ne gagne pas à faire mal en une fois ce qu’on peut faire bien en deux, surtout lorsque l’eau n’est pas très à portée.
Enfin, sous tous les rapports, l’arrosement est une opération de la plus haute importance et qui doit être souvent renouvelée pendant les grandes chaleurs, selon les circonstances relatives. D’un autre côté, tout le monde sait qu’il se forme souvent pendant les grandes chaleurs ou par les vents desséchants de l’ouest, sur la superficie des pots, une espèce de croûte, affermie souvent par de la mousse qui y croit spontanément.
Il faut bien se garder, tant que durent les grandes chaleurs pendant tout le mois de juillet, par exemple), de détruire cette surface empâtée et verdoyante, comme le font certains jardiniers, car c’est à la faveur de cette couverture que l’humidité se conserve assez longtemps. Il serait même bon, à cette époque, de boucher les crevasses qui s’y font quelquefois pour empêcher l’évaporation des fluides. Il faut se hâter de faire disparaître, aussitôt après les grandes chaleurs, cette sorte de croûte, et de serfouir délicatement la superficie de la terre. Les horticulteurs qui négligent de prendre ces précautions à la lettre sont sujets à éprouver des pertes funestes.
En automne, enfin : Dans cette saison, le soleil se lève sensiblement moins sur l’horizon ; les jours deviennent plus courts ; la terre des pots perd de sa chaleur : les nuits sont plus fraîches et plus humides ; la végétation a cessé ; le bois s’est tout à fait aoûté. Toutes ces circonstances obligent à diminuer les arrosements : il faut les faire alors depuis le lever du soleil jusqu’à neuf heures du matin, avec ménagement, et en se réglant toujours d’après les circonstances atmosphériques de la saison et du lieu.
Est-il utile d'arroser le feuillage du Camellia ?
Les Camellia tenus en serre jusqu’à la fin de juin (car notre avis est de les y garder jusqu’à cette époque) ont besoin d’une surveillance continuelle. Leurs nombreuses racines se trouvant renfermées dans l’espace étroit d’un vase quelconque, et la plante tout entière étant circonscrite dans une atmosphère bornée et au milieu d’une température très élevée, il est évident que l’évaporation y doit exercer promptement sur eux une grande puissance. Les feuilles ont donc besoin qu’on leur procure cette humidité salutaire qu’elles puiseraient ordinairement à cette époque dans l’atmosphère extérieure et à l’ombre ; elles exigent un air circulant librement à l’entour d’elles, une lumière constamment et légèrement voilée , des amusements fréquents et soutenus. Voici le mode d’arrosement qu’on doit alors employer. Pour faire tomber en forme de pluie fine, sur le feuillage du Camellia, une eau claire et tenue médiocrement fraîche, on se sert d’une seringue d’une pompe à main, dont nous donnerons plus loin la description. Ce mode d’arrosement, si utile au Camellia placé dans la serre pendant un printemps avancé, l’est encore bien plus s’il est fréquemment employé en été, lorsque ce même arbrisseau se trouve exposé en plein air. Nous croyons même qu’il est avantageux, à cette époque, d’arroser le sol environnant, pour rendre à l’air une partie de son élasticité, et aux végétaux les vapeurs dont ils font leur nourriture aérienne.
Et pour ne pas se tromper sur le temps et les circonstances qui réclament cette opération, nous indiquerons aux amateurs l’hygromètre de Réaumur, qui peut dans ce cas leur servir de guide. Si cet instrument marque à l’air entre 25 et 30 centigrades, c’est alors qu’il convient de répandre beaucoup d’eau sur le sol environnant, soit dans la serre, soit en plein air. Dans la serre, il faudra établir des courants d’air, en ouvrir les portes des deux extrémités, en soulever quelques châssis même, soit sur le dessus, soit sur les côtés de la serre, toutes les fois qu’on arrosera les feuilles. Cette opération devra se faire le soir, lorsque le soleil aura disparu ou sera près de disparaître de l’horizon, afin qu’elles aient le temps de se ressuyer entière ment pendant la nuit : car, si elles conservaient quelques gouttes d’eau sur leur surface, lorsque le soleil reparaît, chacune de ces gouttes produirait sur les feuilles l’effet d’un verre convexe, c’est-à-dire brûlerait la partie mouillée, ou y laisserait au moins une tache résultant d’une désorganisation partielle.
Il est bien entendu que ce mode d’arrosement sur les feuilles doit cesser aussitôt que la saison des chaleurs est passée.
Mais si les arrosements, donnés à propos, contribuer à efficacement à procurer une santé vigoureuse au Camellia, leur défaut prolongé produit des effets tout contraires. La sécheresse attaque incessamment les racines de cet arbrisseau, et bientôt il n’y a plus moyen d’arrêter les progrès du mal. La terre de bruyères, par une évaporation excessive, devenue trop sèche, ne se prête plus à l’infiltration de l’eau, ou, quelle en permet le passage, ce sera tout au plus le long des parois du vase, quelle traverse sans imbiber les racines du végétal moribond.
Abandonné à la sécheresse, le Camellia n’offre d’abord aucun symptôme de souffrance ; mais tantôt il périt instantanément avec tout son feuillage, tantôt il s’en dépouille par degrés ; son bois devient rabougri, les boutons tombent, et la mort s’ensuit.
Pour le rappeler à la vie, si le mal n’est pas encore complètement incurable, il faut le rempoter à l’instant, lui donner une terre fraîche, le rabatte court, et le tenir sous un châssis, le pot plongé dans une couche d’une chaleur modérée, le priver d’air et de soleil, et le mouiller très modérément et seulement par degrés. Il faudra surtout bien se garder d’en tremper la motte dans l’eau comme le font quelques jardiniers : car cette transition rapide de la sécheresse à l’humidité complète nuirait également à la plante, et pourrait terminer par la mort les désordres organiques que la première avait commencés. Un autre moyen de sauver la plante malade est de la livrer à la pleine terre, sous châssis, où elle recouvrera encore plus promptement sa vigueur première.
Des instruments d'arrosage.
Arrosoirs.- Après avoir démontré la manière d’administrer convenablement aux Camellia leur aliment principal, il est bon de savoir quels sont les arrosoirs qu’on doit employer, quelle en est la forme la plus commode, et de quelle matière ils doivent être faits. Les meilleurs arrosoirs sont ou en cuivre, ou en zinc, ou en fer-blanc. Les premiers sont, il est vrai, beaucoup plus coûteux que les autres, mais ils possèdent l’avantage de ne s’oxyder jamais ; ils ont toujours une valeur intrinsèque, fondée sur la valeur de la matière dont ils sont composés, et présentent une durée triple de celle des autres. Les arrosoirs en zinc coûtent peu, sont très légers, et ne durent guère que deux ans. Ceux en fer-blanc, enfin, offrent les mêmes inconvénients que les précédents, et, de plus, ont l’inconvénient de s’oxyder s’ils ne sont pas peints à l’huile. Par toutes ces raisons, les premiers sont donc préférables aux autres.
Les arrosoirs sont ou à pomme, ou à goulot. L’arrosoir à pomme se termine en un cône renversé, s’adaptant au conduit par une soudure, ou quelquefois par une emboiture, afin d’avoir la facilité de la retirer au besoin, et dont le sommet est une plaque convexe percée de petits trous. Cette sorte d’arrosoir est très utile pour bassiner en été les Camellia peu élevés lorsqu’ils sont en plein air, car on ne peut guère s’en servir commodément dans la serre. Nous ferons observer ici que les trous des pommes doivent être très petits et assez éloignés les uns des autres pour que les filets d’eau ne puissent se réunir au moment de leur chute ; les trous devront donc avoir tout au plus le diamètre d’une épingle ordinaire, afin de permettre à l’eau de tomber en forme de pluie très fine.
L’arrosoir à goulot différent du précédent en ce que, au lieu de pomme, le conduit se termine par un bec allongé, courbé on taille en angle obtus à l’extrémité, dont l’ouverture peut avoir un pouce de diamètre, ou beaucoup moins, selon l’urgence. Il y en a aussi de grands et de petits : les grands sont plus particulièrement destinés aux arrosements des Camellia d’une certaine force ; les autres sont employés pour les arrosements des petits pots, disposés sur des gradins dans la serre, pour lesquels on est obligé de se servir d’échelle, ou pour ceux qui, placés sur des tablettes, demandent quelque précaution.
Seringues. – On peut ranger au nombre des arrosoirs les plus utiles la seringue dite de jardin, à l’aide de laquelle on peut élever l’eau à une certaine hauteur, et la lancer ensuite sur le feuillage des Camellia sous la forme d’une rosée ou d’une pluie extrêmement fine. Cette machine est composée d’un tuyau de fer-blanc, ou mieux de cuivre, terminé par une pomme d’arrosoir percée de très petits trous, et dans le corps duquel joue un fouloir ou piston de bois, muni, à son extrémité inférieure, d’une garniture de chanvre.
Tous les modèles de cette seringue ne sont pas bons, et tous les ferblantiers ne réussissent pas également bien à confectionner cet instrument. Nous en avons essayé plusieurs, qui ne nous ont pas satisfait, et nous avons fini par adopter la seringue anglaise, dont on se sert au Jardin-du-Roi (1).
(1) Cette seringue est en cuivre (on peut la faire de même en zinc ou en fer-blanc) : elle a 6 centimètres de diamètre et deux tiers de mètre de long. La pomme terminale est percée de petits trous faits à la mécanique. Le fouloir est en cuivre. Un habile mécanicien de la capitale, M. Auger, rue de l’Arcade, a exactement reproduit cet instrument, et en fabrique en fer-blanc, en zinc ou en cuivre, selon les commandes, et à des prix modérés.
De la sortie du Camellia en plein air.
L’époque de la sortie et de la rentrée du Camellia dans la serre, ainsi que l’exposition qu’on lui donne pendant l’été, influent puissamment sur le bon ou mauvais état de sa santé future pendant l’hiver. L’expérience de plusieurs années nous prouve que l’époque à laquelle on doit le sortir est celle où il a complètement achevé sa première pousse, où le bois nouveau est aoûté, et où les boutons ont tout à fait paru ; ce qui arrive ordinairement à la fin de juin.
Le Camellia n’aime pas le grand soleil : il se plait à Pombre, dans le milieu d’un air libre, doué d’élasticité et de fraicheur. L’exposition du nord , où les premiers rayons du soleil naissant viennent le caresser, est celle qui lui convient le mieux. Et en effet, quand il est placé au soleil, ses boutons se forment trop promptement, et la floraison en est moins belle, si meme elle ne reste pas incomplete. Les précautions à prendre sont de la plus grande importance. C’est en sortant de la serre que les Camellia sont le plus sensibles aux influences atmosphériques; aussi faut-il user de tous les moyens possibles pour les y accoutumer peu peu. Dans ce dessein, on commence à leur donner dans la serre, long-temps d’avance, le plus d’air qu’il est possible, puis on altend un jour sombre et pluvieux pour les y exposer tout à fait en les sortant. Dans cette circonstance, s’ils sont frappés instantanément par les rayons d’un soleil trop ardent, il est rare qu’ils les supportent sans en éprouver quelque altération facheuse. Pour éviter cet inconvénient, il faut les placer de suite à la place abritée qui leur a été destinée pour tout le temps qu’ils doivent rester en plein air. Cette place doit être protégée contre les vents, à l’ombre, et bien aérée. Nous allons faire connaitre quels sont les abris les meilleurs et les plus avantageux aux Camellia.
Des localités ombragées pour placer les Camellia en plein air.
Les abris sont indispensables à la santé du Camellia, soit pendant tout le temps qu’il est exposé en plein air, soit pendant qu’il est dans la serre, à une certaine époque de l’année.
Par abris, nous entendons ici des lieux préservés des vents, des orages et de l’influence trop active du soleil, influence que l’on provient par des moyens ou artificiels ou naturels : tels sont les murs, les haies, les rangées d’arbres, les paillassons, les toiles et autres objets qui, placés perpendiculairement sur le sol, diminue en partie la puissance des agents que nous venons d’indiquer.
Sans parler des murs, dont on peut tirer parti lorsqu’ils se trouvent sur les lieux, et qu’il serait trop coûteux de construire dans le seul but d’abriter les plantes, les haies doivent être considérées comme de très bons abris quand leur hauteur et leur épaisseur sont appropriées à la circonstance. Si elles font perdre un peu de terrain à cause du prolongement de leurs racines, on s’en trouve bien dédommagé par les coupes régulières auxquelles on peut les assujettir.
Quand on veut les employer principalement comme abris, il faut les composer de telle espèce d’arbuste plutôt que de telle autre. Les arbres a branches alternes et à nombreuses petites feuilles alternantes valent mieux que ceux dont les branches sont opposées et les feuilles plus grandes peut-être, mais moins nombreuses et diversement insérées ; ainsi, la charmille sera préférable à l’aubépine, le peuplier d’Italie au peuplier tremble, et parmi les arbres verts l’If, le Genévrier de Virginie, et principalement le Thuya d’Orient, formeront les arbres les plus avantageux pour la conservation des Camellia. Plantés très près l’un de l’autre, dans un terrain profond, en lignes droites, espacées entre elles de 3 à 4 mètres, les Thuya d’Orient ont la propriété de former un abri excellent, une espèce de haie vive, qui, par le moyen de la taille en éventail, prend la forme d’un mur vert, impénétrable et solide.
Cette sorte de baie sera sans doute illicite à former et demandera peut-être plus de temps qu’une autre avant d’être parfaite ; mais que d’avantages compensent ces deux inconvénients !
Continuité de verdure pendant toute l’année, épaisseur du feuillage, consistance, durée, beauté ! Avec un tel abri, on n’a à redouter ni la force des rayons solaires, ni les orages, ni les vents pernicieux, et quelquefois même les ravages de la grêle !
Lorsqu’on n’a besoin d’abri que pendant l’été, et que l’on ne veut pas perdre de terrain inutilement, on peut se servir de la vigne, qui, plantée en palissade droite, formera de bons abris, et rapportera en même temps une abondante récolte de fruits.
Rentrée des Camellia dans la serre.
Pour assurer la conservation des Camellia dans la serre, il est essentiel de choisir avec dis cernement le moment de les y rentrer. Les jardiniers de Paris ont l’habitude de faire cette opération à une époque déterminée, c’est-à-dire vers le 15 octobre. Nous désapprouvons de puis bien des années cette routine irrationnelle et dangereuse, et nous démontrons qu’elle s’oppose à la santé du végétal dont nous parlons, par plusieurs raisons que nous développerons dans le cours de cet ouvrage.
Le véritable moment de rentrer le Camellia est indiqué par la cessation totale de sa végétation, par les circonstances atmosphériques accidentelles de la saison, par la multiplicité des grandes pluies de l’automne, qui, froides et fréquentes, Enervent le Camellia et s’opposent toujours au succès de sa floraison. C’est donc se conformer aux principes de la bonne culture que de le rentrer aussitôt que le temps pluvieux parait vouloir persister, en raison de ce que, les nuits étant devenues fraiches, et les jours étant encore assez chauds, cette différence remarquable de température entre le jour et la nuit peut devenir nuisible à l’arbuste, et doit déterminer l’amateur à rentrer ses Camellia dès les premiers jours d’octobre, ou même plus tôt, selon que la saison est plus ou moins humide et froide.
Pour faire cette opération avec succès, il faut : 1° choisir un jour serein, dépourvu de tout brouillard et d’humidité atmosphérique, afin que les feuilles soient parfaitement sèches ; 2° prendre quelques jours d’avance la précaution de ne pas trop mouiller les plantes, de crainte d’introduire trop d’humidité dans la serre, attendu que l’évaporation y est moindre qu’en plein air, et que l’excès d’humidité trop prolongée deviendrait pernicieux ; 3° faire aux Camellia, avant de les rentrer, une espèce de toilette, c’est-à-dire qu’on lave les feuilles, qu’on attache les tiges et les branches à de bons tuteurs droits, qu’on découvre les boutons, dont on diminue le nombre, qu’on retranche les parties malades, etc. On doit bien se garder à cette époque de trop couper dans le vif, parce que cette saison n’est favorable ni au desséchement de la plaie ni à sa cicatrisation ; ainsi on devra renvoyer au printemps toute opération de taille.
On remuera la surface de la terre des pots avant de les rentrer, et même plusieurs fois pendant leur séjour dans la serre, afin de favoriser l’évaporation de l’eau; souvent il est bon d’en lever cette terre remuée, et de la remplacer par d’autre terre fraiche ; cela peut être utile pour réparer en partie la perte des substances actives causée par l’évaporation et les arrosements de l’automne.
Manière d'allaiter du soleil les Camellia renfermé dans la serre.
Nous avons l’habitude de garder en serre les Camellia jusqu’à la fin de juin, et cela pour plusieurs raisons dont l’expérience a confirmé la valeur, et que nous démontrerons plus au long dans un article spécial. Nous en citerons ici deux motifs : 1° De cette manière, le Camellia étant à l’abri des variations atmosphériques, qui sont très fréquentes sous notre climat dans la saison printanière, ses jeunes pousses se développent naturellement, sans interruption, et forment un bois parfait.
2° Les boutons à fleurs, qui se développent pendant que le bois s’aoûte, se consolident mieux et ne sont plus autant susceptibles de tomber au moment de se gonfler pour s’épa nouir.
La principale difficulté est de protéger constamment ces plantes contre un grand soleil, à partir du 1er mars jusqu’à leur sortie de la serre, par des moyens faciles, qui, sans les priver des bienfaits de la lumière, n’exigent pas à tout instant la présence du jardinier, tels que les toiles, les grillages, les paillassons, etc. Ce moyen simple, facile, durable et économique, nous l’avons trouvé, nous l’employons tous les ans, et toujours avec le même succès. Le voici :
Il consiste à peindre ou à barbouiller intérieurement, dès les premiers jours de mars, les vitres de la serre avec du blanc d’Espagne delayé dans de l’eau, à laquelle on a mélé préalablement un peu de colle de farine. L’emploi de la colle a pour but de fixer plus solidement la couleur. Lorsque les Camellia sont sortis, on lave cette peinture avec une éponge, et, soit qu’on l’étende, soit qu’on l’enlève, ces deux opérations sont l’affaire de peu de moments. On ne saurait croire quels bons effets résultent de cette douce lumière, quelle brillante végétation elle favorise, quel beau vert elle donne au feuillage, la tranquillité d’esprit qu’elle assure au jardinier, enfin les malheurs irréparables qu’elle empêche.
Serres à Camellia.
Il est indispensable à un amateur de Camellia qui veut s’occuper avec succès de la culture de ce beau végétal d’avoir un local spacieux, aéré et bien éclairé, pour l’y abriter pendant tout le temps que durent les saisons rigoureuses de l’hiver et du printemps. On donne à cette espèce de local le nom de serre, qui vient du mot serrer ; ce qui veut dire serrer les plantes.
Ce sujet étant de la plus grande importance, nous croyons devoir le traiter dans toute son étendue. Nous parlerons en conséquence des serres qu’on doit avoir lorsqu’on veut donner une grande extension à la culture en général du Camellia, et, pour être plus précis dans nos détails, nous donnerons les dimensions exactes de plusieurs serres d’amateurs, de bâches, châssis, couches, etc.
Une bonne serre est celle qui concentre la chaleur et la lumière du soleil, qui conserve le plus long-temps possible dans son intérieur l’influence de ces deux éléments. Éloignée des eaux stagnantes et même d’une rivière et d’un ruisseau, elle doit être placée au sud ou sud-est. Son sol, élevé sur une voûte souterraine, offrira tous les moyens propres à la garantir d’un excès d’humidité. Plus une serre reçoit de lumière, plus elle convient à la conservation du Camellia.
Quoique la grandeur d’un bâtiment de cette sorte dépende de la fortune ou du caprice de l’amateur qui le fait construire, cependant nous assignerons ici les dimensions que doit avoir ce bâtiment pour concorder avec les exigences de la santé des végétaux que nous recommandons, ainsi que pour la commodité de celui qui doit les soigner.
Mais avant d’exposer nos principes, nous croyons à propos de détromper quelques propriétaires qui conservent un ancien préjugé contre les serres. Ils pensent que la construction de ces batiments est très dispendieuse et très compliquée, et surtout que l’entretien en est fort coûteux. Nous, nous affirmons au contraire qu’une serre d’amateur d’une grandeur ordinaire, par exemple de 9m,745 de longueur sur 3m,898 de largeur, n’est ni chère, ni difficile à construire ; que son entretien n’entraine pas de frais considérables, et que les agréments quelle procure en tout temps et à tout âge dédommagent bien amplement de tous les petits frais qu’elle exige. Nous fournirons la preuve de cette vérité à la fin de cet article, où nous ferons connaître en détail les frais de construction et d’entretien d’une telle serre.
Autrefois, en construisant une serre, on était esclave d’une routine aveugle et de précautions inutiles ; maintenant l’expérience nous a prouvé que la plupart de ces précautions sont inutiles, et que la serre la plus simple est toujours la meilleure. Toutefois il est vrai de dire que des proportions et de la disposition de ses parties dépendent le bien-être des plantes et la facilité de les soigner. C’est pour ces motifs que nous entrerons ici dans les détails les plus essentiels de la construction de ces bâtiments, afin qu’au besoin l’amateur puisse en tirer parti.
Quelque médiocre que soit la fortune d’un particulier, s’il est véritablement amateur de Camellia, il doit posséder une serre d’environ 6m,497 à 9m,745 (20 à 30 pieds) de longueur, sur 3 à 4 mètres au moins de large. Un cabinet indépendant, d’environ 3 mètres carrés sur 8 de haut, doit précéder cette serre et en être séparé par une cloison vitrée. Un tel cabinet sert d’entrée au jardinier et aux visiteurs. Il contiendra une provision de bois à brûler, un réservoir d’eau, les arrosoirs et tous les autres ustensiles de jardinage, et doit offrir l’avantage de séparer de la serre le fourneau qu’on construit dans un des coins), qu’on peut y allumer sans causer de fumée dans cette dernière ; ce cabinet a pour objet d’empêcher les vents froids de pénétrer dans la serre lorsqu’on y entre, de préserver des sévices de l’hiver le jardinier qui soigne soi-même le feu du fourneau. La porte d’entrée de ce cabinet n’aura que 1m,375 de haut, sur 1m de large ; mais celle de l’intérieur, qui conduit dans la serre, aura 2m de hauteur sur 1m,33 de large, et sera à deux battants vitrés du haut en bas. Au dessus de ce cabinet, on pratiquera un espace assez grand pour servir de chambre au jardinier à qui est confié le soin de la serre. Il se trouvera encore dans ce cabinet des tablettes et un bahut à tiroirs pour y déposer les graines, les étiquettes, le fil de fer, le plomb, des clous, un marteau, des tenailles, les ligatures des marcottes, de la laine pour les greffes, des serpettes, des couteaux, une table à écrire, du papier, des plumes et de l’encre, etc., etc.
Si l’amateur veut donner à sa serre une longueur plus considérable que celle que nous venons de fixer, et la porter à 20 ou 30 mètres, il pourra placer au milieu de cette longueur le petit cabinet dont il est question, et séparer ainsi la serre en deux. Ce nouvel arrangement exige alors deux fourneaux, Un à droite et l’autre à gauche. Dans ce cas, le devant du cabinet devra être fait comme une porte à deux battants, de manière à pouvoir s’ouvrir à moitié ou tout entière au besoin. L’intérieur du cabinet aura encore deux portes, l’une à gauche et l’autre à droite, établies comme nous l’avons dit.
La profondeur de cette serre n’excédera pas non plus cinq mètres ; le mur de derrière aura de 50 à 60 centimètres d’épaisseur. La hauteur de ce bâtiment peut être facultative ; mais l’inclinaison des châssis supérieurs, sous le climat de Paris, ne sera pas moindre de 40 à 45 degrés, pour permettre aux rayons du soleil de pénétrer partout pendant la saison rigoureuse, et d’éclairer toutes les faces intérieures. Nous disons pendant la saison rigoureuse, car ce n’est que vers la fin de l’automne, pendant l’hiver et au commencement du printemps, époques auxquelles les rayons du soleil frappent le plus obliquement notre zone tempérée, que les vitrages sont vraiment utiles. C’est, en conséquence, sur l’obliquité du soleil dans ces saisons qu’il convient de se régler pour la construction d’une serre. Ce principe est fondé sur une donnée positive, qui nous apprend qu’il faut incliner les châssis d’autant de degrés que ceux qui forment le complément de l’élévation du pôle, ou de la latitude du lieu où l’on est. Or, comme la latitude de Paris est d’environ 49 degrés, le complément de cette latitude sera de 41 degrés, inclinaison la meilleure qu’on puisse donner aux châssis supérieurs des serres.
Le petit mur de devant, qu’on appelle mur de support, aura environ 30 à 50 centimètres de hauteur, et 50 d’épaisseur. Si l’on veut donner une plus grande profondeur à la serre, on diminuera alors d’environ un tiers la longueur des châssis supérieurs , et on les remplacera par un petit toit d’environ 1 mètre à 1 mètre et demi de largeur, que l’on inclinera au nord, et que l’on couvrira ou en tuiles, ou en ardoises, ou en zinc, ou même en chaume.
Les montants des panneaux du devant seront placés perpendiculairement ou obliquement sur le petit mur de support, et soutiendront une forte traverse, sur laquelle tous ces châssis devront être assujettis de manière à pouvoir s’ouvrir comme des croisées lorsqu’on voudra donner de l’air aux plantes.
On renouvelle l’air des serres par des ventilateurs. Ce sont de petites trappes en bois, placées dans l’épaisseur du petit mur de devant, et qui correspondent avec d’autres trappes établies dans le haut du mur du fond. L’air extérieur qui entre par les trappes d’en bas s’échauffe d’abord en passant tout près des conduits de chaleur ; il circule ensuite de bas en haut, et se répand dans toute la capacité de la serre sans produire un courant trop brusque, en même temps que l’air vicié de la serre s’échappe rapidement par les trappes supérieures. Les trappes d’en bas se tiennent plus ou moins ouvertes à l’aide de crémaillères en fer ; celles d’en haut jouent dans une coulisse pratiquée dans l’épaisseur du mur, et on les fait agir au moyen d’un long manche de bois à pointe armée d’un croc de fer.
La hauteur intérieure du devant de la serre dépend des proportions qu’on donne au bâti ment tout entier ; cependant elle doit être telle qu’un homme puisse s’y promener librement sans en toucher les vitraux supérieurs, c’est-à-dire d’environ 2 mètres.
Nous croyons inutile, et même nuisible, l’habitude qu’on avait autrefois d’enfoncer les serres (à Camellia du moins) de 2 tiers de mètre a 1 mètre en terre. Si elles ne sont pas construites sur un sol très sec, sablonneux ou pierreux, on aura beaucoup de peine à en éloigner l’humidité. Il est vrai que, quand les rayons du soleil dardent sur les vitrages, les couches inférieures de l’air sont plus chaudes que les couches supérieures ; mais aussi elles sont plus froides et plus humides pendant les jours couverts, et surtout la nuit. Ensuite il n’y a rien de plus désagréable à la vue et de plus incommode que de descendre ainsi dans une serre enterrée, elle présente aussi beaucoup de difficultés et inconvénients pour l’entre et la sortie des plantes.
Par toutes ces raisons, et à cause des nombreux agréments que procure l’aspect d’une nature toujours riante et fleurie, nous pensons qu’un amateur doit réunir sa serre à la salle à manger, ou plutôt au salon de sa maison, et la mettre à peu près au niveau du sol de ces pièces, si leur exposition est celle qu’exige la situation de la serre.
En Angleterre et en Allemagne, on se sert depuis long-temps de fer fondu au lieu de bois dans la construction des serres ; on l’emploie également depuis quelque temps à Paris, et on y trouve beaucoup d’économie à cause de la solidité de ce métal, dont l’entretien n’exige que peu de dépenses.
Le fer a l’avantage d’être infiniment plus durable que le bois ; son aspect est plus élégant ; sa solidité et sa légèreté permettant de l’employeur en baguettes minces, il obstrue moins la lu matière que les traverses en bois des châssis ; et, en le disposant adroitement en colonnes, on peut se dispenser encore d’employer des solives de bois, ce qui diminue la dépense en con servant à la construction la solidité nécessaire. Toutefois, comme le fer a pour les serres le défaut d’être un bon conducteur du calorique, on obvie en partie à ce grave inconvénient en le couvrant de plusieurs couches de peinture ou de bitume, qu’on renouvelle de temps à autre.
Lorsque la serre sera entièrement achevée et garnie de végétaux, l’amateur n’oubliera pas d’employer le procédé de M. Loddiges pour l’arrosage des plantes : c’est un appareil composé de petits tuyaux de plomb très minces, percés dans leur diamètre inférieur de plusieurs séries de trous capillaires ouverts sur l’angle d’une pomme d’arrosoir. Ces tuyaux correspondent à un grand réservoir d’eau, dont ils s’isolent à volonté par des robinets. Quand on ouvre ces derniers, l’eau se précipite dans les tuyaux, s’en échappe avec force par les trous capillaires ; elle se divise alors en vapeur humide, et répand une rosée bienfaisante sur toutes les plantes placées dans la direction des tuyaux.
La porte de la serre, par laquelle on entrera et on sortira les plantes, sera placée à l’extrémité opposée à celle du cabinet ; elle aura 1 mètre de large sur 2 mètres de haut ; elle sera construite à deux battants en bois épais, et en chêne autant que possible. Le sol de cette serre ainsi que l’intérieur des murs seront revêtus de briques vitrifiées à la surface, dans le but de s’opposer autant que possible à la déperdition de la chaleur, le verre étant un de ses plus mauvais conducteurs. Ces briques coûtent un peu plus cher, parce qu’elles exigent une cuisson plus complète, mais il ne faut pas regarder à une légère augmentation de dépense, qui, d’un autre côté, diminue les frais de chauffage. Quant à la qualité du verre qu’il convient d’employer pour vitrer la serre, nous pensons que les carreaux de verre blanc de 16 centimètres de long sur 14 de large sont les meilleurs, les plus commodes, les plus économiques, et en même temps les plus solides.
C’est ici le lieu de parler du fourneau, objet de la plus grande importance, et qui exige les soins les plus assidus du jardinier, afin d’éviter les désastres irréparables du feu, de la fumée, et les variations trop brusques de température, quand il est mal gouverné.
Dans l’origine des serres, on employait des poêles portatifs qu’on plaçait intérieurement sur le sol (comme on le fait encore chez quelques jardiniers marchands), et les tuyaux conducteurs de la fumée les traversaient dans toute leur longueur, afin de les faire profiter autant que possible de toute la chaleur qu’ils produisaient. Mais on ne tarda pas à s’apercevoir que cette chaleur était trop immédiate pour la conservation et la végétation des plantes, qu’elle était inégale, et qu’il était trop difficile de s’opposer aux effets pernicieux de la fumée. On se déterminer alors à faire sortir toute la chaleur du sol même de la serre, non seulement à cause de ces considérations, mais encore parce que, comme l’on sait, la chaleur, beaucoup plus légère que l’air, tend toujours à s’élever. Aujourd’hui donc, toutes les serres ont leur fourneau plus enfoncé en terre, au dessous de l’aire de celles-ci, et la chaleur nécessaire à la végétation des plantes, déterminée à l’aide du thermomètre, se répand dans l’intérieur par des conduits qui circulent tout autour, et le plus ordinairement sous l’espace destiné au passage du jardinier pour le service des plantes.
Ce ne sont pas des choses indifférentes que la construction du fourneau d’une serre, et le placement des conduits qui portent la chaleur dans son intérieur ; il faut qu’il consomme le moins de bois ou de charbon possible, qu’il se perde le moins de chaleur possible. Autrefois, des architectes instruits des principes de la pyrotechnie étaient seuls en état d’en donner le plan: aujourd’hui, tous les fumistes de Paris savent construire un fourneau quelconque à l’u sage des serres, non seulement selon la grandeur, l’objet et la position du bâtiment, mais encore selon les théories modernes, en y appliquant le procédé des poêles fumivores, c’est-à dire dont la fumée est entièrement consumée dans son retour au foyer, et qui n’ont par conséquent pas besoin de cheminée : car, dans ce cas, il y a une grande économie de combustible et une grande inquiétude de moins pour le cultivateur, la fumée étant extrêmement nuisible aux plantes, et surtout aux Camellia, comme nous le démontrerons plus bas. Les fourneaux peuvent être ou en fonte de fer, ou en tôle, ou en faïence, ou en terre , ou en briques.
Les tuyaux de ces deux dernières sortes sont les plus usités et les meilleurs.
Les tuyaux qu’on fait en poterie doivent être d’une forme ronde ; ils conservent plus long temps le calorique, s’échauffent plus promptement : ils doivent être aussi très larges, afin que l’air dilaté par la chaleur ne soit pas forcé de s’en échapper avec la fumée. Les formes carrées sont mauvaises : l’humidité séjourne alors dans les angles intérieurs, la fumée y trouve des obstacles pour sortir, et souvent on a de la peine à allumer le feu à cause de cet inconvénient.
Le corps du fourneau doit être placé, comme nous l’avons dit, dans l’intérieur de la serre, au dessous de l’aire de celle-ci, et appuyé contre une des murailles internes ; celle de devant le plus ordinairement. Sa porte doit donner, soit en dehors, soit dans un cabinet construit à cet effet, comme nous l’avons dit également plus haut, et séparé de la serre, afin qu’en allu mant le feu, la fumée ne puisse pas y pénétrer.
Les dimensions du fourneau doivent être proportionnées à celles de la serre, et à la qualité des matières qui y seront consommées. En supposant que la serre ait 18 mètres de long, ce fourneau aura les proportions suivantes : L’atre aura 54 centimètres de largeur sur 80 de profondeur ; la hauteur de la voûte sera de 38 centimètres dans son milieu au sommet. Au dessous du fourneau est un cendrier dont la capacité est à peu près la moitié de celle du fourneau auquel il communique l’air nécessaire pour allumer le feu et entretenir son activité par le moyen d’une forte grille de fer. L’ouverture du fourneau et celle du cendrier sont garnies chacune d’une porte en forte tôle, et fermant hermétiquement. Les côtés ou murs du fourneau auront près d’un tiers de mètre d’épaisseur, tant pour pouvoir résister au feu que pour conserver long-temps sa chaleur, après que les matières se seront consumées ; sa bouche aura de 27 à 30 centimètres de hauteur sur 22 à 24 de largeur. Cette bouche et celle du cendrier seront cintrées, et soutenues par un cadre de fer sur lequel seront montées les portes de tôle. Les barres de fer qui forment la grille au dessus du cendrier, lesquelles doivent avoir environ 27 millimetres d’épaisseur et être suffisamment rapprochées, sont plus ou moins longues ; mais, en réduisant les dimensions du cendrier à 14 à 15 centimètres de largeur, cette grille durera plus longtemps. On la posera dans une feyure ménagée dans l’âtre, afin de pouvoir l’enlever sans dégrader les murs pour la faire réparer. L’âtre sera un peu plus élevé dans le fond pour favoriser l’ascension de la chaleur et de la fumée dans les tuyaux.
Le diamètre des tuyaux de chaleur se règle par les dimensions du fourneau. En partant de celui-ci, il aura pour diamètre à peu près les trois quarts de celui du fourneau ; cette dimension diminuera graduellement à 5 ou 6 pieds au delà du fourneau jusqu’à son entrée dans la cheminée, où il n’aura plus que 0m,135 à 0m,162 de largeur. La disposition de ces tuyaux y doit être telle, qu’elle porte la plus grande chaleur le long du vitrage, qui présente à la gelée une grande surface : elle doit passer ensuite le long du mur élevé au nord, où le froid ne pourrait parvenir qu’après avoir pénétré tout l’air intérieur de la serre. Outre ces tuyaux ordinaires de chaleur, on voit dans quelques serres un second conduit de précaution qui accompagne les premiers, et répand un air chaud dans plusieurs endroits de la serre au moyen d’ouvertures ou bouches qu’on ouvre et ferme à volonté, selon les degrés de tempéra ture que l’on veut donner dans l’intérieur. Si ce tuyau n’est pas absolument nécessaire, puis qu’il n’est pas généralement employé, il est au moins très utile, surtout contre les grands froids de la nuit.
On chauffe le fourneau avec du bois, avec du charbon de bois, avec de la houille, avec de la tourbe. Le feu de bois est le meilleur sous tous les rapports ; mais, comme chaque espèce de bois donne une intensité de chaleur différente, il faut calculer celle-ci de manière à admettre dans la serre une température qui varie le moins possible.
Après avoir développé nos errements en ce qui concerne une serre destinée à la culture des Camellia, nous allons maintenant, pour compléter ces documents, faire connaitre en détail ce que peut coûter la construction d’une serre d’environ 20 mètres de longueur sur 5 de largeur, ainsi que son entretien annuel.
Un jardinier fleuriste de notre connaissance vient de faire construire une belle serre d’environ 21 mètres de long sur 4 de large. Cette serre est aussi parfaite dans son exécution que peut l’exiger un cultivateur jaloux de la santé de ses plantes. La construction en est solide, les panneaux bien faits, les portes et les fenêtres bien disposées, les vitraux forts, clairs et grands ; la peinture en a été faite à triple couche, etc.
Tout cela lui revient, non compris les fourneaux et les gradins, à la somme modique de 1,300 francs.
Il est vrai qu’un riche amateur exigerait pour sa serre un travail plus élégant et plus fini que ne le demande un jardinier commerçant, et qu’en conséquence le premier paierait plus que ce dernier. Nous admettons cette circonstance, et pour cela nous portons l’augmentation des frais de l’amateur à plus d’un tiers en sus, c’est-à-dire trait à 400 francs de plus ; ce qui mettrait la serre dont nous parlions à 1,700 fr.
Construction de deux fourneaux : 200
Construction et peinture des gradins : 200
Menus frais non prévus : 100
A Paris, total : 2,200 fr.
A déduire 200 francs de moins en province : -200. Total : 2,000 fr.
Les frais de cette serre consistent en quelques carreaux cassés ; ce qui peut être porté annuellement à 20 f. ; en province 15 f.
Le chauffage, à une voie de bois : 35 f. ; en province 20 f.
A Paris, total 55 f. ; en province, total 35 f.
Ne trouvera-t-on pas que cette dépense est bien faible pour des personnes riches qui se plaisent à la culture des plantes, et en particulier à la culture des Camellia ?
Précautions à prendre pour la conduite des fourneaux.
Une foule de précautions sont nécessaires dans la conduite des fourneaux. Sans parler des résultats funestes que le feu cause souvent dans les serres, c’est-à-dire des incendies dont tant d’amateurs sont victimes, ceux que produit la fumée ne sont guère moins irréparables.
On veillera donc avec le plus grand soin à ce que le fourneau soit solidement construit, à ce que les tuyaux joignent parfaitement entre eux, afin que la fumée ne trouve aucune issue.
Ce n’est pas par un temps sec et froid que vous éprouverez de la contrariété à allumer le fourneau ; mais dans certains jours humides, lorsque la température extérieure se dispose à changer. Par ce temps, on a beaucoup de peine à l’allumer, et cependant il faut faire du feu, car la température peut changer pendant la nuit et vous amener une forte gelée. Afin de pourvoir à cette difficulté, il faut avoir un poêle d’appel, qui sera placé en dehors, à l’extrémité de la serre, à l’encoignure des tuyaux. On ne fera qu’allumer ce petit poêle avec quelques copeaux ; cela suffit pour donner du tir au grand fourneau de la serre. Cet objet est de la plus grande importance.
Moyen d'éviter les inconvénients des fourneaux par l'emploi du thermosiphon. Description, prix et utilité de cet appareil.
L’amateur qui veut être tranquille sur le sort de ses Camellia, et les voir prospérer sans crainte ni danger, doit remplacer le fourneaux (ou poêle ordinaire) par un appareil de chauffage à l’eau chaude dit thermosiphon.
Cet appareil, très simple dans sa construction, d’une manutention facile, et n’offrant aucun des dangers d’une machine à vapeur, peut élever la température d’une serre d’une dimension ordinaire à 20, 30, 60 centigrades, et produire ce degré de chaleur vaporeuse que nous croyons si favorable à la santé des Camellias.
La Réalité des avantages de cette découverte, sa supériorité sur les autres modes de chauffage, la modicité de son prix, l’ont fait adopter généralement partout, et il n’est plus permis de construire une serre nouvelle sans se servir du thermosiphon. Nous allons décrire cet appareil et en expliquer les bons effets.
La propriété du thermosiphon est de faire circuler de l’eau chaude dans un tuyau. Cette eau, rendue insensiblement moins chaude par le long trajet qu’elle a à parcourir, rentre d’elle-même dans la chaudière pour s’y réchauffer et remettre ensuite en circulation, et vice versa. D’après la disposition de l’appareil, il n’est pas nécessaire, pour obtenir cet effet, qu’une partie de l’eau soit réduite en vapeur, ni même qu’elle bouille ; mais il faut qu’elle soit près de bouillir et qu’elle emplisse complètement la chaudière et le tuyau de circulation. Voici par quel moyen bien simple la circulation s’établit.
La chaudière et le tuyau étant pleins d’eau, on allume du feu sous la chaudière à mesure que les globules inférieurs du liquide s’échauffent, ils se dilatent, deviennent plus légers, et par conséquent s’élèvent à la surface supérieure de l’eau, et s’y accumulent. La chaleur du fourneau continuant, leur nombre augmente sans cesse. Bientôt, ne trouvant plus de place pour se loger dans le haut de la chaudière, ils sont obligés de se réunir à l’eau froide qui se trouve dans le tuyau aboutissant latéralement au sommet de celle-ci ; repoussés eux-mêmes par de nouveaux globules dilatés qui ne cessent de s’élever du fond de la chaudière, les premiers élevés entrent d’autant plus avant dans le tuyau, en poussant l’eau froide devant eux dans la même proportion qu’ils sont eux-mêmes repoussés par de nouveaux globules. Cette réaction continue jusqu’à ce que toute l’eau froide, chassée du tuyau, retourne dans la chaudière, en y entrant par le bas, où aboutit l’autre extrémité du tuyau, et où l’eau moins chaude, et se dilatant moins que dans le haut ne s’oppose pas à sa rentrée. Alors elle s’échauffe, se dilate de nouveau, remonte dans le haut de la chaudière, où elle est forcée de rentrer dans le tuyau, qu’elle parcourt derechef, toujours poussée par d’autres globules de plus en plus chauds et de plus en plus dilates. Ce mouvement continu, dont il résulte une véritable circulation, s’exécutant en vase clos, il n’y a pas d’évaporation, et un thermosiphon plein d’eau peut manœuvrer ainsi tout un hiver et toute une année sans qu’il soit besoin d’en renouveler l’eau.
Le thermosiphon n’élève pas la température d’une serre aussi promptement, il est vrai, que nos poêles, qui l’échauffent en dix ou douze minutes. Il faut une heure au thermosiphon pour que son effet se fasse bien sentir, ce qui a lieu quand toute son eau a passé plusieurs fois dans les tuyaux ; mais, quand il est en train, sa chaleur se conserve bien plus long-temps que celle de nos pôles, et le jardinier peut aller se coucher avant minuit, en toute sécurité, jusqu’au lendemain matin : ce qu’il serait dangereux de faire en se fiant à un poêle, surtout pendant les froids rigoureux. Voici la raison de cette différence : l’affinité de l’eau pour le calorique étant environ 3,000 fois plus grande que celle de l’air pour le même, la première perd beaucoup moins promptement celui qu’elle contient que l’air contenu dans un tuyau ; donc un tuyau plein d’eau chaude conserve sa chaleur plus long-temps qu’un tuyau plein d’air. Un second avantage du thermosiphon sur les poêles ou fourneaux, c’est que la chaleur en est humide et bienfaisante pour les plantes, tandis qu’on reproche à la chaleur des poêles de des sécher celles-ci de manière à nuire à leur perfection ; inconvénient qui oblige à les bassiner, à les arroser plus souvent et à leur donner les bains de vapeur.
Enfin, un troisième avantage du thermosiphon sur les fourneaux a été constaté : certaines plantes, qu’on ne peut forcer avec succès par la chaleur d’un poêle, réussissent très bien soumises à celle de thermosiphon.
Après ces généralités, passons à la description du thermosiphon lui-même, en nous aidant de figures.
Le diamètre d’un thermosiphon peut varier entre celui d’un arrosoir et celui d’un tonneau, nous allons rendre compte de deux de ces appareils chacun d’une grandeur différente.
Le premier est celui de M. Massey, inspecteur des jardins de la couronne. Cet appareil (fig. 1), a 76 centimètres de diamètre et une forme hémisphérique un peu allongée par le bas.
C’est une espèce de cloche en cuivre, a double paroi, dont la capacité (fig. 2) entre les deux parois forme la chaudière proprement dite, et qu’on remplit par le bout du tuyau e, lequel bout de tuyau se bouche ensuite avec un tampon quand l’appareil fonctionne. Cette chaudière se place sur un fourneau d, construit en briques, de manière à ce que la cavité a de la chaudière forme la voûte dudit fourneau, et que la chaudière elle-même soit élevée sur trois ou quatre pieds étroits, f, afin que l’air et la fumée puissent circuler tout à l’entour. La paroi extérieure de la chaudière est percée dans sa partie supérieure, près du tuyau e, d’un trou pour recevoir le bout du tuyau de circulation, qui peut avoir environ 108 millimètres de diamètre sur une longueur de 16 mètres jusqu’au coude y, et autant pour revenir s’ajuster avec la base de la chaudière, au moyen d’un autre trou en I. Les deux parties du tuyau de circulation sont parallèles sur le même plan horizontal, distantes seulement de 108 millimètres l’une de l’autre, et s’étendant toutes deux tout le long de la muraille intérieure de la serre ; mais cette disposition n’est pas de rigueur. Ce qui est indispensable, c’est que la partie du tuyau qui part de la chaudière soit parfaitement horizontale jusqu’au coude y. La partie du tuyau qui revient à la chaudière pourrait s’incliner progressivement à partir de ce coude jusqu’à la chaudière, ou bien, en allongeant le bout qui unit les deux coudes, courir sur l’autre bord de la bâche, depuis le coude y jusqu’à la chaudière.
Si la direction du tuyau supérieur n’était pas exactement horizontale, l’eau qu’il contient pèserait avec force et pourrait produire une explosion : c’est pour éviter ce danger qu’il faut l’établir sur un niveau parfait ; ce qui d’ailleurs convient au chauffage d’une serre, puisque la chaleur doit être produite dans la partie basse. L’horizontalité de la première partie du tuyau de circulation étant donc indispensable, le fourneau se bâtira dans la serre même ; mais sa bouche sera en dehors, soit dans un tambour, soit dans un cabinet qui ne sera séparé de la serre que par un mur de cloison. La chaudière et le tuyau de circulation étant en place, il faut entourer la première d’une bâtisse m en brique, mortier ou plâtre, de manière à laisser entre la chaudière et la bâtisse une distance n de 80 à 135 millimètres, selon les proportions de la chaudière. La fumée doit s’échapper par la cheminée o. L’usage de cette cavité circulaire n’étant que pour contenir la fumée et la forcer d’embrasser la chaudière pour lui communiquer toute sa chaleur, on devra lui donner environ 180 millimètres d’épaisseur, ce qui est plus que suffisant, si on y appose quelques étais de distance en distance.
Décrivons maintenant l’intérieur du fourneau :
Depuis la découverte du thermosiphon, les chefs du potager du roi ont apporté un perfectionnement à la partie que nous allons décrire. La coupe de ce fourneau, fig. 2, montre en p la grille sur laquelle on pose le combustible, en q le foyer et en le cendrier. Le perfectionnement dont nous venons de parler consiste en une plaque de tôle placée verticalement et qui divise le foyer en deux parties inégales. Cette plaque ne touche pas a la chaudière, elle laisse sur ses côtés et à son sommet une place suffisante pour la circulation de l’air et de la fumée ; elle présente l’avantage de forcer la flamme du foyer, qui vient s’élever à la face antérieure de la plaque, à monter verticalement contre la partie supérieure de la paroi antérieure de la chaudière et à en chauffer l’eau davantage dans cette partie. Cette disposition favorise et accélère singulièrement la circulation de l’eau, en ce que, plus chaude et plus dilatée dans le haut, elle entre alors avec plus de force dans le tuyau, et qu’après avoir laissé échapper une partie de sa chaleur dans le long trajet qu’elle parcourt, elle ne trouve aucun obstacle à rentrer dans le bas de la chaudière, en raison de ce que là l’eau n’est pas aussi chaude que dans le haut.
Le second thermosiphon est celui de M. Massey et Grison. Celui-ci, beaucoup plus petit que le précédent, est de forme carrée ; il n’a que 33 centimètres de diamètre sur 50 de hauteur. Son tuyau de circulation est en zinc, d’un diamètre de 80 millimètres et d’une longueur de 24 mètres. Il est peu coûteux et aussi satisfaisant que le premier ; mais l’un et l’autre de ces appareils, quoique également bons, sont susceptibles d’une amélioration importante que nous allons indiquer.
Jusqu’à présent la fumée du foyer, après avoir circulé autour de la chaudière, s’échappe immédiatement par la courte cheminée qui y est attachée, et presque toute sa chaleur se trouve ainsi perdue. On parviendrait cependant à l’utiliser si, au lieu de la laisser s’échapper aussi promptement, on la forçait d’entrer dans un conduit, ou tuyau, placé à l’endroit le plus convenable de la serre, et qui, en parcourant sa longueur, sortirait à l’autre extrémité, com me cela a lieu dans le chauffage ordinaire. On établirait, selon l’usage, si cela était nécessaire, un petit fourneau d’appel vers cette extrémité pour attirer la fumée. De cette manière, il n’y aurait pas de chaleur perdue, et la serre en serait plus promptement et plus fortement échauffée.
Quoique les diamètres de 80 à 108 millimètres que nous avons donnés aux tuyaux de circulation des thermosiphons ci-dessus énoncés produisent des résultats satisfaisants, ces diamètres ne sont cependant pas tellement absolus qu’on ne puisse leur en donner de différents. Toutes ces mesures dépendent de la capacité du bâtiment qu’on veut chauffer.
Maintenant que tout est dit sur la construction de cet appareil, il nous reste à parler du prix qu’il coûterait à l’amateur. Un thermosiphon ayant de doubles tuyaux en zinc de la longueur de 18 mètres coûte environ 100 francs ; une chaudière en fer fondu contenant deux voies et demie d’eau, 70 fr. ; un petit fourneau en briques, 35 fr. ; menus frais de construction, 30 fr. – Total, 235 fr.
Mais, comme le zinc n’est pas de longue durée, nous engageons les amateurs à faire une dépense un peu plus forte et à employer le cuivre en place de ce métal. Nous indiquons à cet effet un habile mécanicien, fort honnête homme, M. Gervais, rue des Fossés-Saint-Jacques, n° 3, qui fournit un calorifère à doubles tuyaux de 18 mètres de long sur 9 centimètres de large, le tout en cuivre, pour le prix de 450 fr. (y compris la pose et autres menus frais), et dont on garantit le succès.
Les avantages de cet appareil sont incalculables. Indépendamment de l’économie de combustible, de la prolongation beaucoup plus considérable de la chaleur produite, du non-des dessèchement de l’air dans les serres, de la sécurité donnée au jardinier chargé du chauffage, l’appareil thermosiphon ne produit jamais de fumée, agent dont les dégâts, comme nous l’avons dit plus haut, sont sans remède. Il est vrai que la vapeur humide concentrée, si elle est trop abondante et séjourne trop longtemps, peut devenir nuisible aux Camellia qui la reçoivent. On s’en aperçoit de suite à la buée qui s’attache au plafond de la serre, aux vitraux, aux murailles ; et, s’il y a excès, on s’en débarrasse promptement, lorsque l’atmosphère le permet, en ouvrant quelques panneaux ou les portes de la serre, et en allumant, en même temps, le fourneau pour tempérer ainsi Air nouveau qu’on introduit par les ouvertures indiquées. Si ce moyen est impraticable, à cause de l’intensité du froid, on pourra alors essuyer, avec des torchons secs attachés à un bâton, les endroits où l’humidité se trouve condensée sous la forme de gouttelettes.
Les amateurs qui n’emploient pas le thermosiphon, et qui se servent encore du fourneau ordinaire, feront attention, lorsqu’ils sont obligés d’entretenir le feu pendant quelque temps à cause du froid, feront attention, dis-je, au desséchement de la terre des pots ou caisses ; ils n’oublieront pas d’arroser plus fréquemment que les autres les Camellia qui se trouvent près du feu : car la sécheresse pourrait les atteindre, et causer l’horticulteur, comme nous l’avons démontré, des désastres irréparables.