à mon ami samouraï

Mon cher Yukio,

Tu étais celui que j’appelais, avec une certaine fierté, « mon ami samouraï », dont j’admirais la force de caractère et la sagesse, derrière une apparente dureté. Tu m’avais accordé le privilège d’une amitié entière, pour la vie, qui m’a tant apporté.

Je n’ai pas su deviner, derrière ton dernier appel cet été, que tu me disais adieu. Avec tes mots, comme toujours très directs, tu m’as parlé de la mort, sans m’avouer combien tu étais malade.

Tu es parti sereinement et courageusement, comme tu as vécu, avec cette noblesse qui n’était pas chez toi qu’un titre. Tu étais fier, à juste raison, de ton illustre lignée. Mais c’est ta noblesse de cœur, qui l’accompagnait et te distinguait, dont je me souviendrai toujours.

Il y avait quelque chose d’altier chez toi, dans ta nature, qui inspirait irrésistiblement le respect. Et pour cause, ta famille descendait en effet de l’enfant qu’une noble concubine avait eu avec l’Empereur du Japon. Reconnu par ce dernier, il reçut en conséquence, selon les usages, le nom honorifique de Taira, qui l’écartait de la succession au trône mais lui attribuait un statut de sujet royal.

Tu étais imprégné des valeurs aristocratiques et chevaleresques que tu tenais du rattachement de tes ancêtres Susuyama à ce célèbre clan samouraï des Taira, à travers la figure de Taira no Tokitada, qui vécut au XIIème siècle, à la fin de la période Heian.

Les samouraïs devaient être toujours prêts à la guerre, même en temps de paix, et beaucoup n’ont jamais combattu de leur vie. Comme toi, guerrier dans l’âme par ton sang, qui a vécu dans un monde fondamentalement en paix.

Mais derrière cette paix apparente, tu ressentais avec une clairvoyance impuissante la décadence du monde moderne. Tu as souffert, je le sais, de vivre dans une société qui se défait. La barbarie est à nouveau à nos portes, comme dans le Japon féodal, où les samouraïs protégeaient la population de l’insécurité causée par les bandes de pillards.

Chevalier désarmé, coupé de tes racines et exilé loin de ton île natale, tu avais cependant conservé au plus profond de toi cet engagement indéfectible du samouraï à servir la justice et défendre le faible.

Alors, si tu l’avais pu, tu aurais volontiers suivi à nouveau le bushidô, la voie du guerrier qui met fin à la violence par les armes… Tu aurais revêtu l’armure reçue de tes ancêtres pour défendre avec ton sabre ton pays d’adoption.

Justicier dans l’âme, tu n’hésitais pas lorsque le hasard te faisait assister à un vol ou à une agression, à intervenir physiquement. Tes talents de karatéka ont ainsi permis de redresser occasionnellement des torts, en envoyant à l’hôpital les voyous qui avaient eu la malchance de te croiser…

Tu aurais certainement prouvé une exceptionnelle bravoure au combat, si une guerre t’avait appelé. Mais comme le commandant du fort du Désert des Tartares, le seul combat que tu as livré dans ta vie a été contre la mort, dont tu n’avais pas peur, à l’inverse du héros de Dino Buzzati. Car ce combat-là, tu l’as mené comme un brave et exemplaire samouraï, stoïque et indifférent à la souffrance.

Repose en paix, mon ami samouraï. Tu resteras à jamais, pour tous ceux qui ont eu le privilège de te connaître, cet homme bon qui incarnait et réunissait toutes les vertus du bushidô : droiture, courage, bienveillance, politesse, sincérité, honneur et loyauté.

Hervé

 

あなたは私が誇りを持って「友人のサムライ」と呼んだ人でした。

厳しさのなかにあるもちまえの性格と深い知恵をもつあなたは、私に生涯の友の特権を与えてくれました。

夏の最後の電話で、あなたが別れを告げているとは思えませんでした。いつものようにとても直接的な言葉で、あなたがどれほどの病であったかを認めることなく、死について私に話しました。

あなたは生涯その高貴さをもって、穏やかに勇気を持って去りました。あなたは輝かしい血統を誇りに思っていました。しかし、いつも覚えているのは心の高潔さでした。

あなたのなかには尊厳を命じる高尚な何かがありました。先祖は日本の帝の子孫でした。それが認められたゆえに平の名誉名を受けました。

平安末期の12世紀に生きた平時忠の姿を通して、勧山の祖先が平の一族に愛着を持っていたことから、貴族的で陽気な価値観が受け継がれました。

サムライは平時でも常に戦争に備える必要がありましたが多くは人生で戦うことはありませんでした。血筋は心からの戦士でも、基本的に平和な世界に住んでいたあなたは、千里眼で無力な現代社会の退廃を感じていました。あなたは、崩壊しつつある社会に生きていることに苦しんでいました。暴力によって引き起こされる不安が再び私たちに迫っています。

武装解除された先祖の武士たちは故郷の島から遠くへ追放されましたが、それにもかかわらず、あなたは正義に仕え弱者を守るというサムライの揺るぎない魂を心深くに持ち続けました。

ですから、もし可能なら暴力に終止符を打つ戦士の道に喜んで従ったでしょう…先祖から引き継いだ鎧を身に着けて自国を剣で守ったでしょう。

正義の味方のあなたは、偶然に盗難や暴行を目撃し、戦うことを躊躇しませんでした。空手家としてのスキルは間違いを正し、あなたに会ったがために不運だった凶悪犯を病院に送りました…

戦争があなたを求めたなら、戦いで並外れた勇気を示したでしょう。しかしあなたが人生で戦った唯一の戦いは死との戦いでした。タルタル砂漠の砦の司令官の英雄ディノ・ブザティとは違い、なにも恐れることはありませんでした。ストイックで苦しみには無関心なあなたは勇敢な侍のように死との戦いを戦ったのです。

あなたは正義、勇気、慈悲、礼儀正しさ、誠実さ、名誉、忠誠心など、武士道のすべての美徳を具現化し、ひとつにした人でした。

あなたを知る全ての人々の心の中であなたは永遠に残ります。サムライの友よ安らかに眠ってください。

エルベ

My dear Yukio,

You were the one I called, with some pride, « my samurai friend », whose strength of character and wisdom I admired, behind an apparent harshness. You had granted me the privilege of a lifelong friendship that has brought me so much.

I couldn’t guess from your last call this summer that you were saying goodbye to me. With your words, as always very direct, you told me about death, without admitting to me how sick you were.

You left serenely and courageously, as you lived, with this nobility that was not just a title for you. You were rightly proud of your illustrious lineage. But it is your nobility of heart, which accompanied and distinguished you, which I will always remember.

There was something lofty about you, about your nature, that irresistibly inspired respect. And for good reason, your family was indeed descended from the child that a noble concubine had had with the Emperor of Japan. Recognized by the latter, he consequently received, according to custom, the honorary name of Taira, which excluded him from the succession to the throne but gave him the status of a royal subject.

You were imbued with the aristocratic and chivalrous values ​​that you held from the attachment of your Susuyama ancestors to this famous samurai clan of the Taira, through the figure of Taira no Tokitada, who lived in the 12th century, at the end of the Heian period.

Samurai had to be always ready for war, even in peacetime, and many never fought in their lives. Like you, a warrior at heart by your blood, who lived in a world fundamentally at peace.

But behind this apparent peace, you felt with powerless clairvoyance the decadence of the modern world. You suffered, I know, living in a society that is falling apart. Barbarism is upon us again, as in feudal Japan, where the samurai protected the population from the insecurity caused by gangs of looters.

Disarmed knight, cut off from your roots and exiled far from your native island, you had nevertheless kept deep within you this unwavering commitment of the samurai to serve justice and defend the weak.

So, if you had been able, you would have gladly followed the bushido again, the way of the warrior who puts an end to violence by arms … You would have put on the armor received from your ancestors to defend your sword with your adopted country.

Justiciary at heart, you did not hesitate when chance made you witness a theft or an assault, to intervene physically. Your karateka talents have thus made it possible to occasionally right wrongs, by sending the thugs who had the bad luck to meet you to the hospital …

You would certainly have shown exceptional bravery in battle if a war had called you. But like the commander of the fort of the Desert of the Tartars, the only fight you fought in your life was against death, of which you were not afraid, unlike the hero of Dino Buzzati. Because you fought that fight like a brave and exemplary samurai, stoic and indifferent to suffering.

Rest in peace, my samurai friend. You will remain forever, for all those who have had the privilege of knowing you, this good man who embodied and united all the virtues of bushido: righteousness, courage, benevolence, politeness, sincerity, honor and loyalty.

Herve

Yukio Susuyama,
décédé le 4 novembre 2020
à l’âge de 63 ans.

Comme il l’a confié lui-même, Yukio a choisi de partir traverser le Sanzu-no-kawa (三途の川 ), ou « fleuve des trois chemins », qui, semblable au Styx des Grecs, sépare selon les croyances japonaises notre monde de l’au-delà.

Les bons, comme l’était Yukio, peuvent traverser sereinement la rivière sur un pont, ceux dont les bonnes et mauvaises actions s’équilibrent traversent au gué, tandis que les méchants sont jetés dans les eaux tumultueuses infestées de serpents et de dragons.

Yukio appréciait énormément le talent de la jeune soprano Rumi Matsui, dont il ne ratait aucun des concerts à Paris.
En sa mémoire, Rumi a chanté La prière de Jakuan (composée par Hideki Chihara).

幸男は若き声楽家の松井るみ氏を高く評価し、パリでのコンサートの際は欠かさず訪れていました。
松井るみ氏が幸男に捧げるべく歌った曲です。寂庵の祈り(千原英喜作曲)

Les paroles de cette chanson ont été écrites par Jakuchô Setôchi, célèbre femme écrivain, née en 1922, et devenue nonne bouddhiste. 

幸せな時にはありがとう

苦しい時には力をください

寂しい時には聞いてください

いつも

(地球の)すべてのひとが

幸福で平和で

ありますように

Merci quand vous êtes heureux

S’il vous plaît, donne-moi de la force quand c’est difficile

S’il vous plaît écoutez quand vous êtes seul

Toujours

Que tout le monde (sur Terre)

soit heureux et en paix

Yukio, avec ses fils Yôichi et Emmanuel,
avait visité à Numazu (Shizuoka)
le temple bouddhiste Shinrakuji de la famille Susuyama

Son cousin, Komyo Susuyama, qui y est prêtre,
a prié pour sa mémoire.